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Chroniques vingt-et-unièmes — On ne mettra pas soixante ans — 19 février 2024

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  On ne mettra pas soixante ans —  Heureux de te revoir, Nassim, déclare Thomas en se levant à l’approche de son ami. Alexandre et Magali ne tardent pas à arriver aussi. Ils sont retournés au même café de Saint-Germain qui a abrité leurs retrouvailles au mois de septembre dernier, dix ans après leur sortie du lycée. Ils commandent les boissons et Thomas s’adresse à Magali, faisant allusion à sa charge de magistrate : —  Alors, toujours autant de travail, Magali ? —  Toujours, et il faut que je reparte au palais après notre pot. Une audience pour demain qui n’est pas encore bouclée… —  Ça ne s’améliore pas ? demande Alexandre. —  Si, ça s’améliore un peu, on a recruté, mais il y a un tel retard… On doit mettre plus de moyens dans la justice… Alexandre sourit. —  Et creuser davantage la dette… Thomas saisit l’occasion. —  Tiens, bon sujet, monsieur l’économiste. Tu crois qu’on va la rembourser cette dette ? —  C’est la grande question… Avant, on devrait déjà parler de ce qui provoque cet

Chroniques vingt-et-unièmes — Essayer de convaincre — 12 février 2024

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  Essayer de convaincre Le club littéraire Liber Circulo entame sa nouvelle saison. —  Avant de laisser la parole à Damien, qui va nous présenter son travail, je voudrais vous donner un aperçu du marché du livre en France en 2023, annonce le professeur Marcus. —  Ah oui, quelle est la tendance ? demande Elsa. —  Veiller sur elle d’Andrea, je suppose… dit Kévin. —  Pas exactement. Le roman de Jean-Baptiste Andrea est dans le trio de tête avec 400 000 exemplaires vendus, mais il est devancé par le dernier Astérix, L’Iris blanc , avec 1,5 million d’albums écoulés et le Retour de Lagaffe qui, lui, a fait 500 000. Damien hausse les sourcils. (Plongée dans son téléphone, Ludivine ne réagit pas.) —  Le Goncourt n’est que troisième ? Les temps ne sont plus ce qu’ils étaient… —  Tout dépend de quels temps on parle…, réplique Marcus. C’est quand même un joli coup pour la modeste maison d’édition L’Iconoclaste. Parmi les dix premiers, on trouve également La Vie secrète des arbres en BD et Le C

Chroniques vingt-et-unièmes — Aboutir à des impasses — 5 février 2024

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  Aboutir à des impasses Les bourgeons se gonflent, rompant le sommeil de l’hiver. Xavier et Sébastien avancent d’un bon pas en lisière de forêt. Ils marchent sans parler, absorbés par leurs pensées. Tout à coup, le second secoue la tête, comme pour chasser une idée. —  Gabriel Attal bientôt dans une série… Après son discours de politique générale à l’Assemblée… Dans Askip , je crois. On aura tout vu ! Xavier se retourne. —  Il y a une logique à cela… —  J’aimerais bien savoir laquelle ! —  Je vais t’expliquer : d’après des études, les gens s’intéressent de moins en moins aux infos, surtout les jeunes ; par contre, les séries ont le vent en poupe. Il paraît qu’un foyer français sur deux est abonné à Netflix. Il est donc logique que le Premier ministre cherche à toucher les Français par une série, ce qu’ils regardent en fait. Et puis, on dit toujours que dans les séries et les films, il faut montrer la « vraie vie » et des « vraies gens ». Quoi de mieux que d’avoir le vrai chef du gouve

Chroniques vingt-et-unièmes — Ce qui permet de vivre et d’espérer — 29 janvier 2024

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  Ce qui permet de vivre et d’espérer Un trou noir supermassif découvert aux confins de l’Univers observable, c’est le genre d’information propre à éveiller l’intérêt du professeur Marcus. Selon les spécialistes, il s’agirait d’un trou noir « endormi » – eh oui, les trous noirs peuvent dormir comme des bêtes repues, pendant des millions d’années parfois – qui se serait réveillé au passage d’objets cosmiques en grande quantité qu’il aurait attirés par sa force gravitationnelle colossale. Et ce, en émettant un flash de lumière surpuissant capté par nos télescopes. De plus, un autre trou noir apparu seulement 440 millions d’années après le Big Bang a été repéré, le plus vieux jusqu’à présent, alors qu’on pensait qu’il s’agissait de phénomènes plus récents. Et pour couronner le tout, un corps céleste mystérieux, baptisé « X7 », se déplaçant vers le centre de la Voie lactée, là où réside encore un trou noir gigantesque, a été observé. On ignore ce que c’est, quelle est son origine, mais cer

Chroniques vingt-et-unièmes — Dans un univers parallèle — 22 janvier 2024

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  Dans un univers parallèle Il naquit en 1870 à Simbirsk dans une famille relativement aisée, de petite noblesse, propriétaire terrienne, et décéda – coïncidence osée – le 21 janvier 1924, exactement 131 ans après Louis XVI. Il a marqué son siècle comme peu l’ont fait avant lui. Son prénom était Vladimir, transformé en « Volodia » pour ses intimes, tel un certain dirigeant de Russie d’aujourd’hui. Et son patronyme, Oulianov. Son nom de plume, puis de guerre, est plus connu : Lénine . On a peu évoqué le centenaire de sa mort. Thomas s’en étonne. Aussi terrible fut-il, il appartient à l’Histoire, ayant lancé une machine infernale dont Staline prit très vite les rênes après sa disparition. C’était un enfant plutôt solitaire, Vladimir Illitch Oulianov, mais brillant à l’école, et l’exécution en 1887 de son frère Alexandre, coupable de complot contre le tsar Alexandre III n’a sans doute rien arrangé. Et même probablement éveillé, ou renforcé, sa détermination à lutter contre un régime peina

Chroniques vingt-et-unièmes — Les choses ont changé — 15 janvier 2024

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    Les choses ont changé C’était annoncé, mais c’est tout de même une surprise : Gabriel Attal, à 34 ans, devient le plus jeune Premier ministre de la Cinquième République. Xavier referme sa tablette. Du bruit parvient de la cuisine et quelques minutes plus tard, Émeline apparaît, apportant deux cafés sur un plateau. Le déjeuner vient de se terminer, elle a deviné ce que Xavier regardait. —  Gabriel Attal, je lui souhaite du courage avec tous ces problèmes. Il est vraiment jeune, tu ne trouves pas ? Xavier ne bronche pas, se contentant de dire : —  Quand Bonaparte a pris le pouvoir le 18 Brumaire, il avait à peine 30 ans…  —  Ce n’est pas pareil, tout est beaucoup plus compliqué aujourd’hui.  —  Tu crois ? Si je me réfère à mes souvenirs d’école, le Directoire, auquel Sieyès a mis fin en instaurant le Consulat avec Bonaparte à sa tête, c’était la pagaille : des complots royalistes et jacobins de tous les côtés, l’ennemi aux frontières, le soulèvement en Haïti, les troubles persistants

Chroniques vingt-et-unièmes — Conflit d'époques — 8 janvier 2024

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  Conflit d'époques Jour d’Épiphanie. Jean-Bernard a invité Didier. Avec Élise, ils vont partager la galette. Ce n’est pas ce qui enchante vraiment Jean-Bernard, mais il sait que son père y tient, c’est un homme de tradition. —  Elle est hors de prix, cette année, se plaint Élise. Il paraît que c’est à cause de la frangipane. Il y aurait une pénurie d’amandes…  —  Oui, enfin… ponctue Jean-Bernard, la frangipane ne représente que 20 % du coût de la galette, et les amandes qu’une partie du coût de la frangipane. C’est un argument facile… —   L’inflation, alors ? relance Élise. —  Ah, l’inflation… soupire Didier. On s’affole pour une inflation à 5 %. Moi, je me souviens, dans les années 80, on avait une inflation à 15 % ! Et les taux d’intérêt… À 5 %, on dit que les gens ne peuvent plus emprunter ! Mais moi, je me rappelle avoir contracté un prêt à 21 % en 81 ! Et à l’époque, la lutte contre l’inflation était la grande cause de l’État, qui pourtant y trouvait son compte. Quoi de mieux

Chroniques vingt-et-unièmes — L’année 2024 n’est pas finie — 1er janvier 2024

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  L’année 2024 n’est pas finie Deux heures seulement avant les coups de minuit, le basculement vers une ère qui ne sera pas forcément nouvelle. On a beaucoup discuté durant ce repas de réveillon de Nouvel An qui s’est tenu chez Romane et Sébastien. Le chapon est bien entamé et on se prépare à faire une pause. Xavier et Émeline sont les invités, sans Ludivine. On respecte la tradition : les jeunes vont faire la fête de leur côté. Une conversation variée avec néanmoins une censure : éviter de mentionner le nom de Gérard Depardieu. Sujet trop sensible, trop « clivant », selon l’expression en vogue, et tohu-bohu redoublé avec la tribune de soutien de 56 artistes suivie d’une contre-tribune de 600 autres. Sans parler des procès en diffamation. À la base, des propos captés par la caméra de Yann Moix qui n’étaient pas destinés à être diffusés. —  On ne devrait plus entendre ce genre de choses au XXIe siècle ! a soupiré Romane. Xavier, lui, a esquissé un sourire ironique : —  Ce sera difficile