Chroniques vingt-et-unièmes — Dans un univers parallèle — 22 janvier 2024


 Dans un univers parallèle


Il naquit en 1870 à Simbirsk dans une famille relativement aisée, de petite noblesse, propriétaire terrienne, et décéda – coïncidence osée – le 21 janvier 1924, exactement 131 ans après Louis XVI. Il a marqué son siècle comme peu l’ont fait avant lui. Son prénom était Vladimir, transformé en « Volodia » pour ses intimes, tel un certain dirigeant de Russie d’aujourd’hui. Et son patronyme, Oulianov. Son nom de plume, puis de guerre, est plus connu : Lénine.

On a peu évoqué le centenaire de sa mort. Thomas s’en étonne. Aussi terrible fut-il, il appartient à l’Histoire, ayant lancé une machine infernale dont Staline prit très vite les rênes après sa disparition.

C’était un enfant plutôt solitaire, Vladimir Illitch Oulianov, mais brillant à l’école, et l’exécution en 1887 de son frère Alexandre, coupable de complot contre le tsar Alexandre III n’a sans doute rien arrangé. Et même probablement éveillé, ou renforcé, sa détermination à lutter contre un régime peinant à s’adapter à son époque.

Destiné à devenir avocat, il a peu plaidé – ou du moins on n’en a pas gardé de traces. En revanche, il a passé sa vie à combattre, par ses idées, pas ses écrits sous divers pseudonymes, et avec l’aide inconditionnelle de son épouse Nadejda Kroupskaïa aussi résolue que lui, l’autocratie des tsars, et c’est finalement assez tardivement, sept ans avant sa mort, après une relégation en Sibérie (où il se marie) et un exil en Suisse, qu’il va accéder au pouvoir. 

Staline fut un tyran sanguinaire, mais Lénine, non plus, n’était pas un tendre, rempli d’une totale aversion pour la démocratie qui pour lui n’était qu’un subterfuge de la bourgeoisie pour endormir le peuple. Et c’est fidèle à cette idée que l’une de ses premières initiatives, après son coup d’État d’octobre 1917 mettant fin au gouvernement Kerenski, fut de dissoudre l’assemblée constituante fraîchement élue. Après tout, il ne s’agissait pas moins que de construire par la terreur « l’ordre socialiste » où tout passerait par le parti, seul guide véritable pour les classes populaires. Il est d’ailleurs significatif de noter que Lénine, inspiré par le théoricien marxiste allemand Karl Kautski, considérait l’ouvrier trop empêtré dans les problèmes matériels pour avoir même la notion d’appartenir à une classe exploitée. Ce ne sont donc que des militants comme lui, débarrassés des viles contingences grâce à leur milieu d’origine, et totalement désintéressés, qui peuvent inculquer cette notion à l’ouvrier et l’entraîner vers la révolte. En tout état de cause, on ne devait pas organiser d’autres élections avant 74 ans en Russie, jusqu’à celle qui vit la victoire du candidat Boris Eltsine à la présidentielle.

Une question cruciale rongea les dirigeants du parti bolchévique après sa mort. Quelle disposition particulière du cerveau avait pu engendrer un tel génie ? Déjà, son poids élevé était une indication : 1 340 grammes, c’était forcément la rançon de l’intelligence. Mais il fallait investiguer davantage. C’est la raison pour laquelle, après son embaumement digne de celui d’un pharaon, on découpa son encéphale en 30 953 fines lamelles. Une décision opportune puisque dans un rapport très circonstancié issu d’un institut créé à cet effet, on mit en évidence une complexion et un fonctionnement de ce cerveau hors du commun. Et, nostalgie ou non, des centaines de milliers de Russes viennent toujours chaque année contempler sa momie dans le mausolée érigé en 1930 sur la place Rouge à Moscou.

Mais que reste-t-il de toute cette période ?

L’expérience du totalitarisme communiste en URSS et sa fin apocalyptique n’a pas découragé les ardeurs de ceux qui croient indéfectiblement à la capacité de l’homme à surmonter ses ambitions et son désir d’accéder au bien-être, les moteurs de tout temps du capitalisme, même dans sa version primitive au moment de la révolution néolithique. 

Peut-être que cet homme existe, mais dans un univers parallèle, et pour Thomas, il serait heureux que des experts se penchent enfin sur la question afin de trouver une porte d’entrée à cet univers, au travers, pourquoi pas, d’une fracture spatio-temporelle, selon l’expression consacrée par la science-fiction.

Un sujet qui devrait intéresser son père Marcus, se dit Thomas après avoir déroulé toute cette histoire.



FIN


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Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes

22 janvier 2024

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