Chroniques vingt-et-unièmes — Une portée considérable — 14 octobre 2024
Une portée considérable
Encore une découverte qui n’a provoqué que quelques entrefilets dans la presse. Un scandale pour Benoît qui chemine vers la fac de Nanterre après être sorti du RER. Il observe que l’on préfère gloser à l’infini sur des faits divers, comme les aventures de Kylian Mbappé en Suède, des disparitions inquiétantes, des meurtres sordides, des règlements de comptes, des événements malheureux mais qui ne nécessitent peut-être pas tout ce tapage médiatique.
La découverte à Malataverne dans la Drôme de restes de Néandertaliens, dont l’analyse ADN a révélé qu’il s’agissait d’une lignée très ancienne et distincte génétiquement de celle que l’on connaît, est selon Benoît essentielle. Car on a constaté que les deux lignées – celle déjà connue et celle qui vient d’être découverte – ont coexisté, distantes d’un peu moins de deux semaines de marche, pendant peut-être cinquante mille ans, sans hybridation et probablement sans échange, ce qui en dit long sur le mode de vie de l’homme de Néandertal, capable sur des milliers de générations de vivre dans la même vallée, contrairement à Homo sapiens qui, lui, a conquis toutes les surfaces habitables sur terre sur un temps relativement réduit. Et c’est peut-être la différence majeure entre les deux cousins hominines. D’un côté le repli sur soi, de l’autre la curiosité. C’est pour cela que Benoît estime que cette découverte est d’une portée considérable. Elle permet peut-être de répondre à la question que l’on se pose depuis les premiers ossements retrouvés de l’homme de Néandertal : pourquoi celui-ci a-t-il disparu ? Occupant sans bouger un territoire depuis des dizaines de milliers d’années, il a sans doute été obligé de céder du terrain devant un envahisseur, pas nécessairement violent, mais avide de nouveaux espaces, et a dû être refoulé sur les zones ingrates du continent européen où il s’est éteint. Et peut-être que le même phénomène s’est produit avec d’autres espèces humaines nées avant Homo sapiens comme l’homme de Denisova, l’homme de Florès ou Homo naledi.
Homo sapiens est donc le seul survivant de l'ensemble. Et il en a bien profité ! Alors que sa population ne devait pas excéder quelques centaines de milliers d’individus il y a 50 000 ans, elle a atteint le nombre de 500 millions en 1500 et un milliard en 1800 pour dépasser 8 milliards aujourd’hui. Une augmentation qui s’accélère, mais on pense qu'on pourrait parvenir à un plateau de 11 milliards d'habitants à l’horizon 2080.
Et combien d’Homo sapiens depuis les origines ? Un cercle de démographes s’est penché sur la question : 117 milliards d’entre eux auraient ainsi vécu sur terre, ce qui signifie 109 milliards avant nous !
Mais rien n’est acquis. Benoît songe à l’astéroïde qui a frappé la planète il y a 66 millions d’années, et qui serait à l’origine de la disparition des dinosaures et indirectement de l’explosion des mammifères auxquels appartient l’homme. Selon une récente étude, cet astéroïde se serait formé dans le Système solaire, au-delà de Jupiter. Le danger ne provient donc pas forcément des horizons lointains mais peut s’avérer tout proche.
Benoît franchit l’entrée de la fac de Nanterre. À une dizaine de mètres, dans le hall, les cheveux d’or de Ludivine en conversation animée. Dans ses paroles, il est question du procès de Mazan.
Après avoir vaincu tous les obstacles, Homo sapiens pourrait faire mieux, pense-t-il.
FIN
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Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes
14 octobre 2024
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