Articles

Affichage des articles du janvier, 2021

Chroniques vingt-et-unièmes — Accepter le monde — 25 janvier 2021

  Accepter le monde La fratrie est réunie dans la maison familiale de Tours. Judith, Quentin et Vanessa. Dans cette époque troublée, c’est presque un événement. On en doit l’initiative à Élise qui a voulu marquer l’anniversaire de Quentin bien qu’elle sache que la vraie fête aura lieu plus tard, en grand comité, quand la crise sera finie. Vingt ans ! Le temps défile, elle sent même qu’il s’accélère. Mais elle sait aussi que rien n’est plus relatif que le temps, tout dépend de la manière de l’occuper. Elle commence heureusement à s’habituer, le coup avait été plus difficile à encaisser avec Judith, de huit ans plus âgée. Lorsque Vanessa, encore adolescente, fêtera son vingtième anniversaire, il n’y paraîtra plus. Jean-Bernard surgit dans la salle à manger, le petit Benoît hurlant dans ses bras. Judith se lève comme un ressort, le visage décomposé : —  Mais tu l’as réveillé ! —  Mais non, se défend le père de la jeune femme, il criait dans son lit et je lui ai demandé de se calmer. Comme

Chroniques vingt-et-unièmes — Libérer la parole — 18 janvier 2021

  Libérer la parole La première séance du Liber Circulo de l’année, et après plus de deux mois d’interruption. À cause du couvre-feu, elle se déroule samedi, en plein après-midi, mais chacun a pu se libérer. Profitons-en avant le prochain reconfinement . Le professeur Marcus ne peut que dédier cette séance à Hervé Le Tellier. L’Anomalie , son désormais best-seller, dépasse les 820 000 exemplaires vendus. Ce n’est peut-être pas seulement l’effet Goncourt . Dans la période surréaliste dans laquelle le monde est plongé, la science-fiction, genre souvent classé mineur, se teinte d’une autre dimension, rend poreuse la frontière entre ce qui semblait inimaginable il y a encore un peu plus d’un an, et la réalité qui s’est imposée. Avec le constat évident que tout ce qui est impossible à concevoir peut advenir. Même si on ne partage pas cette analyse, c’est une sérieuse alerte. Et Marcus est ravi de ce succès, l’occasion d’une découverte pour le club. Si la science a beaucoup prêté à la scien

Chroniques vingt-et-unièmes — Un jour comme les autres — 11 janvier 2021

  Un jour comme les autres Une bourrasque venue des étages a traversé la cuisine. Ludivine, toujours en retard, se précipite vers la porte de sortie et disparaît dans la nuit noire. Les cours à l’Université reprennent en petit comité, elle ne veut pas manquer son cours pour rien au monde. « Salut uuu uu u… ! », entendent Xavier et Émeline dans un grand fracas de porte. Ils se regardent, amusés. Lui est moins pressé. Attablé devant une grande tasse de café noir, il n’a que cinq mètres à franchir pour gagner son bureau d’où il ressortira en fin d’après-midi, légèrement hagard, les traits tirés, après dix heures de télétravail où se sont enchaînés les téléconférences et les bugs informatiques. —  Une tartine grillée ? lui demande Émeline. Il acquiesce et jette un regard sur son agenda de cuir noir posé près de lui, dans lequel il a noté quelques événements de l’année avec la prescience qu’elle serait exceptionnelle. Il en parcourt les pages, et en réalité ce ne sont pas vraiment les événe

Chroniques vingt-et-unièmes — Une année de folie — 4 janvier 2021

  Une année de folie 2020 se termine, enfin. Une « année blanche » pour les uns, ou « noire » pour les autres. Question de sensibilité. On l’analysera sûrement d’ici quelques décennies comme une année de rupture, avec des changements profonds dans les habitudes de vie, qu’il s’agisse du travail, de la consommation ou du voyage. Mais est-ce réellement l’ annus horribilis selon une expression qui devient à la mode ? Pour le magazine Time , l’année 2020 est même la pire année de l’histoire. Il faut croire que les pertes de mémoire s’accumulent, qu’il existe un mur de verre empêchant de se pencher en arrière, car que penser, en se limitant simplement au vingtième siècle, de 1916, 1917, 1940, 1941, 1942 ou de 1943 ? De ces pires moments de notre mémoire collective ? Étonnant de la part d’un magazine censé épouser son temps et d’en avoir surtout la distance. Bref, il y a encore là un mystère – un de plus – et le professeur Marcus ne cherchera pas à le percer en ce soir du réveillon de fin d