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Affichage des articles du août, 2022

Chroniques vingt-et-unièmes —La passion qui anime — 29 août 2022

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  La passion qui anime Il est parti, sac à dos sur l’épaule, pour « vivre des expériences humaines uniques sur les routes de France ». C’est l’explication que Quentin a donnée à ses parents, le genre d’explication que ne supporte pas Jean-Bernard qui lui reproche d’être comme ce Bloch décrit par Proust dans Du Côté de chez Swann , évoluant « si résolument à côté des contingences physiques que ses sens ne prennent pas la peine de les lui notifier ». Donc, il a quitté pour quelques semaines sa chambre surchauffée de la rue Réaumur sans but précis, au hasard des voitures qui l’ont emmené en stop. C’est ainsi qu’on l’a convoyé jusqu'à Blois d’où il a été embarqué dans la direction de Romorantin, puis de Vierzon, avant d’être déposé près de Châteauroux. Là, sentant comme un air vivifiant l’entourer, il a décidé de marcher par les chemins communaux bordés de ronces, de longer les prairies grillées où se recroquevillent les vaches, déployant le soir sa quechua à l'abri des meules cyl

Chroniques vingt-et-unièmes —Se rejoindre — 22 août 2022

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  Se rejoindre —  On apprend tous les jours des choses étonnantes. Par exemple, moi qui croyais que les pandas géants se rattachaient aux ratons-laveurs, ce n’est plus vrai. Eh oui, on les classe maintenant dans la famille des ursidés ! Et je fais allusion, évidemment, aux pandas authentiques, ceux qui possèdent neuf taches noires. Sinon, ce sont des contrefaçons ! C’est Sébastien qui a parlé et ses paroles déclenchent un éclat de rire général. Ils sont tous les quatre attablés dans le restaurant La Capitainerie du château de Chantilly. Xavier, Émeline, Sébastien et Romane. Ils sont venus passer la journée au domaine de 7 800 hectares, propriété au XIXe siècle du duc d’Aumale, qu’il hérita du dernier prince de Condé et qu’il embellit avant de le léguer à sa mort à l’Institut de France auquel il appartient toujours. Ils ne vont pas le parcourir dans son intégralité, bien sûr, mais ils visiteront, outre le château, les Grandes écuries, le Musée vivant du cheval et la Salle du Jeu de Paum

Chroniques vingt-et-unièmes —Des barrières infranchissables — 15 août 2022

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  Des barrières infranchissables Les touristes sont de retour, à l’exception des Russes, des Chinois et des Japonais, mais heureusement les Américains, attirés par le change favorable, sont revenus en masse.  Alors, les restaurants ne désemplissent pas. Une aubaine pour Hamid. Dix heures par jour et pour une cinquantaine d’euros, il s’active à la plonge dans une brasserie du cinquième arrondissement, embauché dans des conditions pas forcément très licites. Car le patron a beau publier des annonces sur des sites spécialisés ou en couvrir sa vitrine, il ne trouve pas les employés dont il a besoin. Un paradoxe, ou l’une de ces exceptions françaises dont on aime tant se vanter : personne parmi ceux qui sont habilités à travailler – les Français ou les étrangers possédant des papiers en règle, – et par contre une foule de volontaires dans la masse de ceux qui n’en ont pas le droit. Chaque matin, dès cinq heures, ils sont une dizaine à patienter devant le seuil de l’établissement, chacun esp

Chroniques vingt-et-unièmes —Cette part de rêve ou d’utopie — 8 août 2022

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  Cette part de rêve ou d’utopie —  J’ai rarement connu une telle chaleur, soupire Sébastien qui promène un regard désabusé sur son jardin où chaque herbe, chaque plante, chaque fleur semble se recroqueviller sur elle-même, économisant ses forces, essayant de mettre à l’abri une sève qui se fait de plus en plus épaisse, visqueuse, qui va bientôt se transformer en bouillie pâteuse avant de provoquer la thrombose fatale. —  J’arrose et ça ne sert à rien, reprend-il de plus belle. Xavier compatit :  —  Et ça ne va pas s’arranger avec les restrictions d’eau sur Paris… Sébastien s’est levé. Sur la pelouse d’un jaune profond, les feuilles déjà tombées crissent sous ses pas. Le vent s’est retiré, l’air paraît immobile et on dirait que le temps lui-même s’est arrêté, cherchant à susciter une parenthèse de renoncement dans le tourbillon du quotidien. Les volets de la maison sont clos. Par contraste avec la fournaise du dehors, la relative fraîcheur de vingt-sept degrés qui y règne semble accuei

Chroniques vingt-et-unièmes —Chacun son rôle — 1er août 2022

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  Chacun son rôle —  Tu as entendu parler Vanessa à midi ? Élise dessert la table du déjeuner et fronce les sourcils. —  Je ne crois pas, répond-elle. —  Je ne me rappelle même plus le son de sa voix, continue Jean-Bernard. Elle n’a pas relevé la tête de tout le repas et ne faisait que consulter son téléphone. —  Ils sont tous comme ça à cet âge. —  Elle ne consulterait pas son téléphone si elle n’en possédait pas, ou, au moins, si on lui interdisait de s’en servir à certaines heures. Je dis juste à certaines heures, car je ne tiens pas à passer pour un dinosaure. Tu connais ma position sur le sujet… On lui a offert pour nous joindre en cas d’urgence et il n’y a pas urgence en permanence, que je sache… —  Ils font tous pareil… Jean-Bernard détache les syllabes :  —  J’ai l’impression que chaque parent répète la même chose : « Ils sont tous comme ça », « Ils font tous pareil ». C’est de cette manière qu’on aboutit à des comportements moutonniers. Élise le regarde, excédée :  —  Tu as en