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Chroniques vingt-et-unièmes — La mémoire est faillible — 28 novembre 2022

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  La mémoire est faillible Le sable brûlant du désert sous le feu intense des projecteurs. Comme s’il ne faisait pas assez chaud ! Sous les chantiers, les stades. Pendant quelques semaines, la planète footballistique s’est donné une capitale : le Qatar. Le professeur Marcus ne regarde la Coupe du monde que lorsque la France comparaît en finale, ce qui lui laisse du temps pour se consacrer à ses chères lectures. Mais il a fait une entorse : son fils Thomas l’a entraîné chez lui pour voir ensemble le match contre le Danemark où l’équipe championne en titre n’a pas démérité, propulsée déjà en huitième de finale grâce au doublé de Mbappé, et ce, à la suite de sa première victoire contre l’Australie, où là aussi les deux buts marqués par Giroud ont été décisifs. Thomas éteint le poste. C’est donc la 22e Coupe du monde de football, la première compétition de ce type qui se tient dans un pays arabe. Et les critiques ne faiblissent pas, ce qui n’est pas de nature à déranger Marcus. Mais Thomas

Chroniques vingt-et-unièmes — Trouver des solutions — 21 novembre 2022

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  Trouver des solutions La COP27 de Charm el-Cheikh  (196 États participants) a rendu ses conclusions, avec 37 heures de retard et maints retournements de situation, des conclusions qui peuvent tenir dans un petit entrefilet. Un accord « décevant », « sans ambitions », « au goût amer » selon les critiques. Fallait-il s’attendre à plus de résultats ? Quentin l’espérait. Il s’intéresse peu à l’actualité, mais il a suivi celle-là sur Twitch . Lors de cette conférence, on a connu l’éternel débat entre pays du Nord et pays du Sud. Certains parmi ces derniers, avant même toute discussion, réclamant une compensation pour le passif laissé par les premiers. Les Européens et les États-Unis ne saccagent-ils pas le monde depuis la révolution industrielle du XIXe siècle ? Ils ont au moins, à l’arraché, obtenu satisfaction sur ce point-là : un fonds d’indemnisation, un « fonds pertes et dommages », au profit des pays émergents dits « vulnérables » va être créé, abondé par les pays riches (qui s’étai

Chroniques vingt-et-unièmes — Adaptation et libre choix — 14 novembre 2022

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  Adaptation et libre choix C’est arrivé, c’était attendu, la population de la terre a atteint huit milliards d’habitants, une multiplication par trois depuis 1950, et d’après les prévisions, elle devrait se stabiliser à dix milliards d’ici la fin du siècle. Et encore, s’agit-il d’un recensement officiel, car on ne compte pas évidemment les enfants non déclarés. Ils sont notamment nombreux en Inde, sans acte d’état civil, ce qui les condamne toute leur existence à vivre comme des ombres, souvent dans des conditions d’esclavage. Mais ce chiffre, huit milliards, ne provoque pas plus d’émoi que cela, alors Émeline, tout en se rendant à son association d’aide aux réfugiés, s’en étonne. La surpopulation est pourtant selon elle la cause de tous les maux : pillage des ressources, malnutrition, pandémies et, bien sûr, le réchauffement climatique.  Car il n’est pas nécessaire d’avoir suivi de longues études pour comprendre que la situation est plus difficile à huit milliards d’habitants qu’à un

Chroniques vingt-et-unièmes — Faire confiance… — 7 novembre 2022

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  Faire confiance… —  Tu connais la dernière ? Dans la rue, tous les pneus des SUV ont été dégonflés pendant la nuit. Xavier soupire en reposant sa tablette. Il vient de lire quelques entrefilets sur le conflit en Ukraine (les Russes vont-ils abandonner Kkerson ?), les suites de la victoire courte de Lula au Brésil, les péripéties de l’ Ocean Viking , les murs de difficultés qui se dressent devant Rishi Sunak au Royaume-Uni et Giorgia Meloni en Italie, le parcours chaotique des textes à l’Assemblée, le départ retardé de la Route du Rhum … Tout cela, il le regarde de loin et voilà que le désordre s’installe à sa porte. Pour lui, le cas des SUV est emblématique de la rugosité actuelle des rapports sociaux. Politesse et respect des autres semblent appartenir à un âge révolu. Est-on dans le fameux « monde d’après ? » Chacun y va de sa petite police, de sa petite justice, en se faisant gendarme, procureur, juge et exécuteur. Près de Toulouse, on a vandalisé des terrains de golf parce qu’ils

Chroniques vingt-et-unièmes — Montrer l’exemple — 31 octobre 2022

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  Montrer l’exemple —  Je me demande si je n’ai pas fait une erreur… —  Quelle erreur ? interroge Sébastien. Ils marchent sur les bords de Seine à Louveciennes. Maintenant, les feuilles tombent en abondance après avoir résisté longtemps à la tentation du grand saut vers l’inconnu. —  La chaudière à fioul, explique Xavier, je l’ai remplacé l’année dernière par une autre aux copeaux de bois – l’avenir paraît-il, l’énergie renouvelable sans limites… –, et résultat des courses, avec la crise, le prix des copeaux a triplé. Des gens se sont d’ailleurs battus dans certains magasins pour en obtenir. Car on est en rupture, évidemment… —  Oui, mais c’est un progrès… —  Tu parles d’un progrès… s’esclaffe Xavier. Il me semble qu’avant le pétrole on se chauffait au bois. On exploitait des moulins à vent, qu’on appelle aujourd’hui des éoliennes. Et il n’y a pas si longtemps, avant les années 70, on utilisait toujours le même sac pour faire ses emplettes. Rien de nouveau dans tout ça ! Mais la COP27

Chroniques vingt-et-unièmes — Élémentaire, mon cher… — 24 octobre 2022

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  Élémentaire, mon cher…   Élise est partie passer le week-end à Montargis chez sa sœur qui traverse une phase de dépression. Approche de la soixantaine mêlée au sentiment que ses enfants parviennent à mener leur vie sans elle, difficile d’en savoir la cause. Quentin, pour sa part, randonne dans la forêt de Fontainebleau au milieu des futaies peu pressées de se parer d’automne. Il semble que le périple de cet été dans le Berry ait déclenché chez lui une vocation à fouler les sentiers ceinturés de ronces, à gravir les pentes rocailleuses et à se rouler dans les fougères encore chargées de l’humidité de l’aube.  Jean-Bernard est donc seul. Il tourne en rond dans la maison qui ne résonne plus des bruits, ou des éclats, de voix habituels, il s’interroge sur la manière d’occuper ce samedi soir. Il se sert un café malgré l’heure avancée – ce serait, selon une dernière étude, excellent pour le cœur – et réfléchit. Surgit alors l’image du policier au visage penché, main sur le front, sourire m

Chroniques vingt-et-unièmes — Faire le plein — 17 octobre 2022

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  Faire le plein  —  Tu la laisses partir habillée comme ça à un mariage ? —  Il y a bien longtemps que Ludivine ne m’écoute plus, tu as bien dû t’en apercevoir, répond Émeline à Xavier en balançant sa tête, résignée. Si je dis blanc , elle pense aussitôt noir . Et puis, elle est majeure… —  Mais enfin, un short ! Avec des franges ! Et il commence à faire froid, en plus… —  N’insiste pas, j’ai eu la même réaction que toi, mais elle considère que c’est sa liberté . Avec l’évolution des mœurs, songe Xavier, surtout chez les jeunes, et encore plus chez les jeunes filles, se dessine un droit fondamental consistant à pouvoir se vêtir comme on veut où on veut, quelles que soient les circonstances, au travail, en ville ou à la plage, par exemple. Un concept qui aurait une résonance très étrange en Afghanistan et que semble partager une part de plus en plus importante de la gent féminine en Iran, dans un sens moins large cependant, suscitant des relations crispées, pour ne pas dire violentes,

Chroniques vingt-et-unièmes — Dans la tête de Vladimir Poutine — 10 octobre 2022

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  Dans la tête de Vladimir Poutine On aimerait délimiter quelques centimètres carrés de peau sur le crâne, gratter délicatement le cuir chevelu, approcher un trépan chirurgical, percer l’un des deux pariétaux, s’infiltrer dans la dure-mère, introduire sous imagerie médicale une aiguille-sonde dans la zone adéquate du cortex pour, enfin et pendant quelques instants seulement, se mettre dans la tête de Vladimir Poutine.  Une manœuvre qui, malheureusement, risquerait de provoquer quelques séquelles, ce que la déontologie occidentale s’interdit de faire, mais dont le danger serait aussi de laisser un homme invalide aux commandes du Kremlin, plus imprévisible encore, une situation que personne n’a envie de connaître. C’est un extrait des pensées de Jean-Bernard en pleine opération de jogging matinal. Poutine, Poutine… ce nom résonne désormais comme un champ de ruines. J’en viens à me méfier des patronymes en « ine » : Lénine, Staline, Poutine… Je préfère nettement ceux en « ev » : Khrouchtc