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Chroniques vingt-et-unièmes — Pour l'instant — 25 avril 2022

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  Pour l'instant C’est passé pour cette fois.  Mais Jean-Bernard ne se prononcera pas pour la suivante, dans cinq ans. Il repose Le Figaro qu’il persiste à se faire livrer aux aurores.  Le débat entre les deux finalistes s’est relativement bien déroulé, malgré quelques allusions perfides au prêt russe de Marine Le Pen, a ux non-éoliennes du Touquet et au cabinet McKinsey. Mais ce genre de show a-t-il vraiment un sens ? Car on est réellement en présence d’un show médiatique, d’un divertissement où l’on espère l’incident qui fera date. Beaucoup d’électeurs modifient-ils leur décision à quatre jours du scrutin ? Qu’il s’agisse de voter pour l’un ou pour l’autre, ou de ne pas choisir ? Mais le résultat est là. La progression de l’extrême droite semble suivre une pente inéluctable, avec une accélération. Jean-Marie Le Pen  obtenait  17,79 %  au second  tour  en  2002.  En  2017,  c’est  33,90 % pour Marine Le Pen, et aujourd’hui 41,46 %. Cinq points de plus en moyenne tous les cinq ans

Chroniques vingt-et-unièmes — Nous faire relever la tête — 18 avril 2022

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  Nous faire relever la tête C’est Pâques, et le rituel déjeuner se passe dans le nouvel appartement de Thomas à Saint-Ouen, un deux-pièces qu’il vient d’acheter en échange du studio qu’il occupait en location dans la même ville. Avec son père, ils ont à peine évoqué l’entre-deux-tours. Si les avis de l’un et de l’autre divergeaient pour le premier, il n’y a aucune discorde pour le second.  Le professeur Marcus a évité de faire allusion au blocage du quartier de la porte Saint-Denis à Paris par le groupe Extinction Rébellion . Thomas, comme tous les jeunes, est sensible au réchauffement de la planète. Pourtant, alors qu’en Ukraine le bilan carbone explose tous les compteurs, les militants écologistes, adeptes de la  désobéissance  civile,  dénoncent  dans  ce  quartier  des  Grands   Boulevards   « l’inaction des dirigeants face au changement climatique », exigeant un « futur vivable et juste pour tous ».  Ils auraient parfaitement leur place à Moscou , a-t-il songé. Une réflexion qu’i

Chroniques vingt-et-unièmes — La route est encore longue — 11 avril 2022

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  La route est encore longue La soirée électorale s’est éternisée. Xavier, Émeline, Sébastien et Romane ont tenu à la passer ensemble, au domicile des premiers. Sur France 2, car TF1, chaîne audacieuse ou peut-être simplement sensible au désenchantement général, a sifflé la fin à 21 h 10 pour donner la voix, dans une énième rediffusion des Visiteurs , à Jacquouille la Fripouille et Godefroy de Montmirail. Le résultat est tombé, on le subodorait. Une répétition du duel de 2017 entre Macron et Le Pen. Cette dernière pense y trouver sa revanche et prépare déjà depuis longtemps son « match retour » à la façon de Rocky II , cherchant cette fois une victoire par KO. C’est fini pour les autres candidats, dont certains  espéraient  se  faufiler  dans un  « trou de souris ». Ils n’ont plus qu’à remâcher leur amertume ; ce trou de souris s’est transformé en souricière. Entre deux commentaires des journalistes et des invités politiques qui à peine assis réfléchissaient à ce qu’ils allaient dire s

Chroniques vingt-et-unièmes — Ce n’est pas si mal — 4 avril 2022

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  Ce n’est pas si mal Le professeur Marcus n’en est pas à sa première campagne présidentielle, loin de là, mais un aspect l’a encore frappé, peut-être plus que les fois précédentes : c’est la prétention des candidats à mettre en place des réformes dès lors qu’ils seront au pouvoir, sans tenir compte des contre-pouvoirs.  Décliné autrement, il y a aussi ce malentendu persistant dans la relation avec les Français, qui revient tous les cinq ans, basé sur l’idée selon laquelle le chef de l'État disposerait de tous les leviers pour changer la France, et dans la foulée l’Europe, voire le monde. Là encore, c’est ignorer tous les contre-pouvoirs, que l’on peut nommer aussi obstacles, handicaps ou entraves. Ces contre-pouvoirs représentent toute la différence entre une promesse affichée et une promesse non tenue ; ils sont de diverses natures. On pense d’abord aux institutions : le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État, la Cour des comptes, le Sénat. Toute loi votée à l’Assemblée devra

Chroniques vingt-et-unièmes — Le fauve endormi — 28 mars 2022

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  Le fauve endormi Quentin repose sur l’étroite étagère le livre de Pascal Vatinel, Parce que le sang n’oublie pas . Allongé sur son lit qu’il ne quitte plus depuis deux jours, il ferme les yeux en s’efforçant de visualiser… Nankin, décembre 1937. Une plaie toujours ouverte dans la mémoire chinoise. Une simple tache que l’on s'applique à effacer dans celle des Japonais, pas par une quelconque tentative de reconnaissance ou de rédemption, mais par le déni des faits qui ont conduit au massacre de centaines de milliers de civils innocents. Des hommes, bien sûr, derrière lesquels on croyait voir des déserteurs et, horreur absolue, des femmes, 20 000 à 80 000, violées avant d’être exécutées, et des vieillards, des enfants, des bébés exterminés par tous les moyens qu’une folie collective peut mettre à disposition de tueurs livrés à leur instinct de mort. L’enfer se sentait trop à l’étroit là où il était. Il cherchait des horizons nouveaux. Et c’est à Nankin qu’il les trouve. Pourquoi, pe

Chroniques vingt-et-unièmes — Quelque chose change et s’effrite — 21 mars 2022

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  Quelque chose change et s’effrite En rentrant tard hier d’une soirée enfumée dans l’une des terrasses fermées du boulevard Saint-Germain, elle a surpris, ou écouté d’une oreille subitement attentive, une conversation de ses parents sirotant leur traditionnelle tisane de tilleul avant de se rendre au lit. —  La mondialisation dans un monde non pacifié, expliquait Xavier d’une voix sépulcrale, était une erreur. Je plébiscitais pourtant la mondialisation, mais j’étais dans l’erreur. Nous avons tous commis cette erreur, collectivement… Nous pensions qu’il était plus simple d’importer les produits que de les fabriquer. Moins de taxes, moins d’ennuis avec les salariés, moins de grèves… et des coûts de revient plus bas. Et pour taire nos derniers scrupules, nous nous félicitions d’apporter du travail et une certaine aisance matérielle aux ouvriers, là-bas, à 10 000 kilomètres de nous. Un confort intellectuel… Je le répète, ce modèle était valable dans un monde pacifié. Mais quand vient la g

Chroniques vingt-et-unièmes — Réfléchissons à tout ça — 14 mars 2022

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  Réfléchissons à tout ça —  Tu es vraiment sûr de vouloir faire une partie d’échecs ? Tu vas te sentir encore frustré de perdre… Le ton de Sébastien est détaché. Il sait qu’il n’arrivera pas à convaincre Xavier de renoncer, lequel, avec une pugnacité émérite, revient éternellement tenter l’aventure. —  Mais non, je ne serai pas frustré. J’ai maintenant l’habitude… —  C’est toi qui vois… Alors, quelles sont les nouvelles du front ? C’est l’éternel jeu. Sébastien lance, sans se dévoiler, ce type de perche pour entendre son ami commenter l’actualité, et bien sûr pour se donner l’occasion de le contredire. —  Je ne vais pas t’apprendre qu’à moins d’un mois du premier tour Macron et Le Pen ont de bonnes chances d’être au second. —  Je ne pensais pas vraiment à ce front-là… —  J’en étais sûr. La campagne passe pour un événement anodin, comparée à la guerre en Ukraine. Mais il s’agit quand même de notre élection majeure ! —  Mais je m’y intéresse ! J’ai regardé le débat Pécresse-Zemmour… — 

Chroniques vingt-et-unièmes — Remettre les choses en place — 7 mars 2022

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  Remettre les choses en place Jean-Bernard réprime un bâillement pour la troisième fois. Dans la cuisine, le jour filtre à peine. Élise qui vient de poser ses mots fléchés lui demande :  —  Tu as encore mal dormi ? C’est l’Ukraine qui te travaille ? Moi, je pense que tout va finir par s’arranger. C’est l’optimisme forcené d’Élise qui parle. Jean-Bernard émerge brutalement de sa douce somnolence et répond lentement :  —  Cela remet au moins les choses en place… —  Les choses en place… Tu veux dire que Poutine a raison d’envahir l’Ukraine ? —  Pas du tout, c'est de nous qu'il s'agit. Enfin, des Français en général… Nous étions habitués à ce que tout aille bien, nous pataugions dans notre petit confort. À tel point que nous en demandions toujours plus. Et en deux ans, nous avons retrouvé deux fléaux que les Occidentaux avaient presque oubliés : l’épidémie et la guerre. —  S’il faut en arriver là… —  Je te dis, ça remet les choses en place. Ce n’est pas ce que je souhaite mais