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Chroniques vingt-et-unièmes — À méditer — 25 octobre 2021

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  À méditer Deux semaines, déjà. Deux semaines depuis cette pause bienvenue dans une rentrée qui se cherche, entre peur d’une cinquième vague et crainte d’une agitation sociale, d’une nouvelle flambée des gilets jaunes, même si l’histoire, à qui on semble attribuer un sens, repasse rarement par des chemins identiques. Une rentrée qui bruisse des dernières rumeurs de campagne présidentielle, des derniers sondages, des derniers faits divers, de l’hospitalisation de la reine d’Angleterre, et de quelques événements internationaux, comme le récent coup d’État au Soudan, un virus d’un autre type qui se répand à vitesse rapide, après ceux de Guinée, de Tunisie, du Mali et de Birmanie La pause en question, c’était à Blois lors des Rendez-vous de l’Histoire, une manifestation annuelle qui mobilise une grande partie de ceux qui comptent en France  comme  historiens,  économistes  ou  simplement  intellectuels.  Le  bilan  est impressionnant : 1 000 intervenants ayant pris place dans 400 débats e

Chroniques vingt-et-unièmes — Qui l'emportera ? — 18 octobre 2021

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  Qui l'emportera ? Après-midi d’automne, les feuilles s’accumulent sur la pelouse rongée par la mousse, Jean-Bernard les ramasse consciencieusement, ce devrait être un moment de calme intérieur, mais l’absurdité de la société le rattrape. Deux événements, selon lui, le prouvent. La Fille au Ballon , d’abord, la toile de Banksy, « autodétruite »  partiellement  lors  d’enchères  en  2018  après  avoir  été  adjugée  1,2 million  d’euros,  a  de  nouveau  été  mise  en  vente.  Proposée  à  4,6 millions d’euros, elle est partie à 21,8 millions (il faut bien que l’argent déversé continûment par les banques centrales se place quelque part). Le fait qu’elle ait été détruite, en direct de surcroît, la rendait, le buzz aidant, effectivement plus chère. Mais à ce point ! En accomplissant cet acte en public, Banksy, dont on ne sait toujours pas, à l’instar d’Elena Ferrante, s’il est un homme, une femme ou un collectif, voulait dénoncer la « marchandisation du métier de l’art ». C’est pour

Chroniques vingt-et-unièmes — Le droit de se taire — 11 octobre 2021

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  Le droit de se taire Un dimanche matin dans une maison de banlieue, comme il doit en exister des centaines de milliers en ce moment, en famille ou en très petite famille.  Émeline s’acharne sur la préparation d’un pudding dont elle a tiré la recette sur marmiton.org ; à quelques encablures, Xavier, presque allongé sur le canapé, est plongé dans la lecture de son hebdo et Ludivine, juchée sur un pouf et pieds ramenés, scrolle – qui aurait pensé le contraire ?  – à tout va sur son smartphone. La cuisine n’est qu’un dérivatif, Émeline s’intéresse à la vie de sa fille et s'applique une fois par semaine à en saisir les contours :  —  Et tes cours cette semaine, ça s’est bien déroulé ? —  Super… —  Rien à dire sur tes professeurs ? —  Non, cool… —  Je devais déjeuner avec toi mercredi midi mais j’ai une urgence à régler à l’association… —  Pas de souci… —  Ce sera donc pour une autre fois… —  Ça marche ! Xavier relève lentement la tête. Il se demande si toutes ces paroles, celles de Lu

Chroniques vingt-et-unièmes — Un pays étrangement immobile — 4 octobre 2021

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  Un pays étrangement immobile Une certaine fébrilité habite les couloirs de Jussieu en pleine période de rentrée universitaire. On cherche à résoudre l’éternel problème de locaux. Car les généreux résultats du bac poussent, année après année, de plus en plus de candidats en licence. Heureusement, le professeur Marcus laisse ces tâches ingrates à d’autres, absorbé qu’il est dans son bureau à faire le point sur les doctorants qu’il supervise. Certains n’ont plus donné signe de vie depuis des mois, ayant peut-être rejoint, sous la pression de l’épidémie, d’autres sphères de préoccupations. Il ignore si cette rentrée universitaire sera paisible ou non, mais il pencherait plutôt pour un calme relatif. Comme un exercice de folklore imposé, la rentrée en France obéit à une tradition ancrée. Depuis son enfance, dans la touffeur de l’été, il entend avec une stupéfiante régularité annoncer un « automne chaud ». Celui-ci, in fine , l’est plus ou moins, et l’événement, se reproduisant avec une te

Chroniques vingt-et-unièmes — Éviter la catastrophe — 27 septembre 2021

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  Éviter la catastrophe On a célébré les cinquante ans d’Émeline, une étape qu’elle a prise avec philosophie. Comme toujours, elle souhaiterait avoir dix ans de moins mais elle sait que dans dix ans, la même pensée l’habitera. Alors autant s’accommoder du présent avant de le regretter. Le temps était clément et on a pu dresser la grande table dans le jardin pour accueillir la famille et les amis, dont certains qu’elle et Xavier n’avaient pas rencontré depuis le début du confinement. Au début, les conversations furent un peu crispées, les mots semblaient en apesanteur. Planait sur l’assistance le sujet que chacun évitait de lancer le premier : la vaccination. Il y a ce constat qu’en famille ou entre amis, dès que ce thème est abordé, on peut se croire revenu au temps de l’affaire Dreyfus, entre « pour » et « anti ». Avec la peur de se retrouver dans la même situation que le dessin de presse de Caran d’Ache : « Ils en ont parlé ». Mais comme l’incontournable chenille qu’on se promet d’év

Chroniques vingt-et-unièmes — Question d'horizon — 20 septembre 2021

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  Question d'horizon Un week-end à la mer sous un vent qui se charge maintenant des métamorphoses de l’automne. Pas un week-end de détente. Pour Hamid et Houessou, la mer reste une masse sombre et épaisse, un mur mouvant de séparation entre souffrance et espoir. Le premier l’a découverte entre les côtes de Turquie et l’île de Lesbos, avec trente autres migrants sur un fragile zodiac sorti d’une décharge et rafistolé de toutes parts. Un voyage au-delà des cauchemars.  Le second s’était seulement frotté à sa vue sur la grève de Porto-Novo, sans s’y aventurer. Embarqué en Libye, il a dû, lui aussi, affronter le monstre jusqu’à Lampedusa. Ce sont des chemins qu’on ne peut oublier, qui tissent des souvenirs communs et des liens. Ils ont mutualisé leurs maigres fonds afin de se payer les sandwichs et Flixbus. Pour quatre-vingts euros aller et retour, le car les a menés jusqu’à Dunkerque. De là, un entrepreneur du bâtiment les a convoyés en stop pour les déposer non loin de la « Jungle »

Chroniques vingt-et-unièmes — Le consensus — 13 septembre 2021

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  Le consensus La rentrée politique s’accélère malgré l’été qui paresse.  Jean-Bernard est toujours rigoureux dans ce qu’il entreprend. La raison en est peut-être l’éducation rigide qu’il a reçue dans un internat ainsi que son parcours militaire. Avant de conforter ou de détruire l'idée naissante qu’il a de son possible champion pour l’élection présidentielle, il tient à examiner et à évaluer les professions de foi de tous les candidats. Pour en parler à Élise et, pourquoi pas, à Quentin qu’il parviendra peut-être à détourner de sa conviction de ne pas voter (sous influence, sans doute, de cette chipie de Ludivine).  Il a pour cela ouvert un registre afin d’y noter les déclarations et les « petites phrases ». Mais le spectre est large et il convient de procéder par ordre. En tête figurent les deux favoris que tous les sondages, pour l’instant, donnent présents au second tour si celui-ci avait lieu demain : Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Le président en exercice n’a pas encore fa