Chroniques vingt-et-unièmes — Rien n'est jamais irréversible — 3 novembre 2025


 Rien n'est jamais irréversible


Il est bien dommage que Stephen Hawking ait quitté la surface du monde, se dit le professeur Marcus en quittant son bureau de Jussieu. Dans les couloirs, affublé comme d’habitude de son chapeau et de son écharpe rouge à la façon d’Aristide Bruant, il suscite bien des sourires chez ceux qu’il croise dans la lueur blafarde des plafonniers, pas suffisamment sarcastiques cependant pour faire une brèche dans son univers mental peuplé d’ondes gravitationnelles, appelées ainsi par Einstein pour caractériser des « vibrations de l’espace-temps ». Car l’information est d’importance : un théorème vieux de 50 ans énoncé par Stephen Hawking vient d’être validé grâce à la collaboration de trois détecteurs situés aux États-Unis, en Europe et au Japon. Il a l’air tout simple, ce théorème, il stipule que la surface d’un trou noir ne peut pas diminuer (« la surface d’un trou noir étant proportionnelle à son entropie, mesure du degré de désordre », selon la théorie), mais aussi, chose plus difficile à comprendre, que la surface résultant de la fusion de deux trous noirs est plus grande que la somme des deux trous noirs pris séparément, et ce, bien qu’une partie de leur énergie soit dissipée sous forme d’ondes gravitationnelles. Un paradoxe de plus dans un Univers qui en compte déjà plus que de raison.

C’est la validation du théorème d’Hawking presque dix ans, jour pour jour, après la première détection d’une onde gravitationnelle – corroborant ainsi une propriété de la relativité d’Einstein – ayant parcouru l’espace sidéral pendant 1,3 milliard d’années à la vitesse de la lumière avant de percuter la Terre. Une révolution dont seuls les astrophysiciens, dans leur quête sans fin du pourquoi et du comment du grand commencement, ont pris conscience, disposant ainsi d’un nouvel outil pour disséquer l’Univers.

Oui, il est bien dommage que Stephen Hawking n’ait pas vécu jusque-là, il se serait contenté de quelques années de plus, lui qui avec une détermination inébranlable avait déjà déjoué tous les pronostics de survie lorsque sa maladie lui fut annoncée à l’âge d’une vingtaine d’années ; lui qui devint par la suite un immense spécialiste de la gravité quantique, et dont la seule échappatoire pour échapper à la prison de son corps était de se perdre dans les horizons interstellaires ; lui qui avait tant réfléchi sur l’horizon des événements définissant la limite où, dans un trou noir, plus rien ne peut échapper, même la lumière, au champ gravitationnel qu’il occasionne ; lui dont le livre Une brève histoire du temps est devenu un best-seller de la littérature scientifique.

Mais qu’est-ce que ça peut bien nous faire que la surface d’un trou noir ne puisse pas diminuer ? réagirait le commun des mortels. 

Et c’est bien la question que me poserait Thomas, mon fils, pense encore Marcus en remontant à présent la rue Linné. Il est vrai qu’en ce moment l’attention est plutôt focalisée sur les discussions budgétaires à l’Assemblée, les poupées sexuelles à caractère pédopornographique de Shein, les massacres à répétition au Soudan. Sans oublier l’Ukraine et la bande de Gaza.

Mais j’aime à penser que les trous noirs peuvent s’évaporer, comme l’a aussi démontré Hawking. Cela prouve que rien n’est jamais irréversible…


FIN


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Auteur chez L'Harmattan de VarIAtions (IA : le puzzle de notre futur s'assemble)

Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes

3 novembre 2025

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