Chroniques vingt-et-unièmes — Une autre réalité — 30 juin 2025

 Une autre réalité

Didier est venu passer l’après-midi chez son fils Jean-Bernard, un endroit plus frais en proche banlieue que son appartement parisien où il étouffe. L’été promet d’être brûlant, comparable à celui qui a écrasé la France en 2003. Tous les deux sont assis dans la demi-pénombre du salon à déguster des coupes glacées.

—  Conclave terminé et pas de fumée blanche, commente Didier. On n’aurait jamais dû l’appeler ainsi. Un conclave se termine toujours par une fumée blanche !

Jean-Bernard esquisse un toast.

—  Apparemment, François Bayrou dispose d’une meilleure vue que nous, car il l'a aperçue cette fumée blanche…

—  Une faible corolle, peut-être… mais blague à part, ça ne pouvait pas aboutir. Trop de lignes rouges…

—  Il y a quand même un débat pour savoir si les retraités devraient contribuer davantage…

Réponse sarcastique de Didier :

—  Oui, on dit de plus en plus – surtout sur les réseaux sociaux – que les boomers doivent être mis à contribution. Cela revient à faire financer les retraites par les retraités. Si on le faisait, on aurait inventé le mouvement perpétuel. Il me semble pourtant que c’est un dénommé Simon Stevin – un Néerlandais – qui en a démontré l’impossibilité au seizième siècle…

Jean-Bernard sourit. Son père est un esprit rigoureux qui aime appuyer ses dires par des références historiques. Celui-ci poursuit :

—  En fait, François Bayrou évolue sans doute dans une autre réalité. Quand il affirme qu’on n’a jamais été aussi près d’un accord, je pense qu’il y croit…

—  Mais enfin, la réalité est la même pour tout le monde !

—  Pas sûr… continue Didier. Prends l’exemple de l’Iran. Après toutes les destructions massives faites par Israël et l’hécatombe dans l’état-major, l’ayatollah Khamenei a revendiqué la victoire sur le « régime sioniste ». Pour lui, Israël a failli s’effondrer grâce aux frappes iraniennes, alors que tu le sais comme moi, seuls quelques missiles iraniens ont atteint leur but. Il a prétendu aussi que la république islamiste avait « infligé une gifle cinglante au visage de l’Amérique ». C’est pas une autre réalité, ça ?

—  C’est de l’affabulation pure et simple, mais je dirais quand même qu’Israël n’a pas vraiment respecté le droit international.

—  Pourquoi ?

—  Bah, Israël a agressé l’Iran sans crier gare !

Didier pose sa coupe glacée qu'il vient de terminer :

—  Excuse-moi mais je ne vois pas les choses comme ça. Depuis la prise d'otages à l’ambassade des États-Unis de Téhéran en 1979, les États-Unis et l’Iran sont de facto en guerre. Car attaquer une ambassade qui dispose d'un statut d'extra-territorialité, c’est une déclaration de guerre. Certes, les États-Unis n’ont pas réagi militairement à l’époque, mais cela ne change rien. Et à ma connaissance, il n’y a eu depuis ni cessez-le-feu ni traité de paix entre les deux pays. Seulement des conventions sur l'enrichissement de l’uranium. Mais c’est pareil pour Israël et la Syrie depuis la guerre du Kippour. Officiellement, les deux sont toujours en guerre. C’est bien pour cela qu’Israël n'a pas besoin de l’accord de la Syrie pour la traverser et bombarder l’Iran.

—  Tu as peut-être raison…

—  Et comment !

—  Mais revenons en France : tu penses qu’on va les trouver les quarante milliards ?

—  Croisons les doigts, mais il y a peu de chances. Avec François Bayrou, l’immobilisme nous a tous pris de vitesse !

—  Je dirais même qu’il accélère…, soupire Jean-Bernard. Il n’y a que la dette qui court. 3 346 milliards au premier trimestre ! 40,5 milliards de plus en un trimestre !

—  Oui, je crois qu’il est temps de passer dans une autre réalité…

FIN

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Auteur chez L'Harmattan de VarIAtions (IA : le puzzle de notre futur s'assemble)

Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes

30 juin 2025