Chroniques vingt-et-unièmes — Mériter d’être sauvé — 24 novembre 2025
Mériter d’être sauvé
— Je crois que je vais renoncer à l’eau minérale et me mettre à vapoter…, soupire Jean-Bernard.
— Pardon ?
Élise, qui arrangeait des fleurs sur le piano, lève la tête vers son mari. Celui-ci est complètement affalé sur le canapé.
— Oui, les députés, qui sont omniscients par définition puisqu’ils refusent tous les conseils venus de l’extérieur, ont fait passer la TVA sur l’eau minérale de 5,5 à 20 %, et dans le même temps, ils ont refusé d’alourdir les taxes sur le vapotage. J’en déduis dans ma petite tête que l’eau minérale est mauvaise pour la santé et que le vapotage, au contraire, est bien meilleur…
— Je préfère ne pas relever, répond Élise en reprenant son travail. De toute façon, tu as tout faux puisqu’il n’y a eu qu’une seule voix pour la partie « recettes » du Budget. 404 députés ont voté contre et les autres se sont abstenus !
— Ah oui, j’oubliais… On est sauvés, la raison l’a emporté ! Une bonne nouvelle… et il y en a encore une autre parmi ces jours si sombres…
— Ah, ça, j’aimerais bien la connaître. Entre les règlements de compte à Marseille, le narcotrafic qui se répand partout, les associations qui licencient en raison de la baisse des moyens, les arnaques en tous genres, les bijoux de la Couronne qui n’ont toujours pas été retrouvés, les féminicides qui augmentent…
On sent la jubilation dans le ton de Jean-Bernard :
— Mais si, une bonne nouvelle, pour le Budget, justement : la Grèce vole à notre secours en annonçant qu’elle rembourse par anticipation un prêt de 1,1 milliard que la France lui a accordé au moment de la crise financière de 2008. Ça va faire du bien à nos finances publiques. C’est ça la bonne nouvelle !
— Je m’attendais à autre chose : la Grèce qui vole à notre secours alors qu’elle était en quasi-faillite il n’y a pas si longtemps, je ne sais pas si c’est une bonne nouvelle…
— Mais si, à condition évidemment de faire ensuite des réformes de structure.
— Je n’y crois pas vraiment, dit Élise qui entend parler de réformes de structure depuis qu’elle a l’âge de comprendre.
— Moi non plus. On est dans la situation d’un bateau qui prend l’eau. Il y a alors deux façons d’y remédier : colmater les brèches et pomper. Mais ce qu’on fait en France, c’est qu’on colmate avec du grillage et qu’on pompe avec une pipette.
— On ne va pas reprendre la discussion là-dessus. Les Français croient que leurs gouvernants peuvent faire des miracles. Comme les miracles n’existent pas, ils sont forcément déçus…
— Alors vivent les conventions citoyennes !
Élise se demande ce qui rend son mari si joyeux. L’absurdité de la situation actuelle ? Elle demande :
— Tu veux parler de la convention sur les « temps de l’enfant » ?
— Par exemple. J’ai noté, entre autres, qu’il faudrait commencer les cours à l’école vers neuf heures au lieu de huit parce que les enfants, paraît-il, manqueraient de sommeil. Pourtant, à l’école, les cours commencent à huit heures depuis des décennies. Nous avons tous connu ça. Mais c’est vrai qu’avant, le scrolling n’existait pas… Les parents devraient peut-être surveiller ce que font leurs enfants le soir…
— Vieux sujet… Et tu penses que la dernière COP du Brésil va sauver la planète ?
C’est aussi un vieux sujet, celui qui revient chaque année à la même époque, sans qu’on puisse déceler l’amorce de l’esquisse d’une solution, malgré toutes les décisions d’intention et les superbes communiqués, pour lesquels on se bat pendant des jours, qui concluent ces rencontres. Jean-Bernard secoue la tête :
— On en a déjà discuté : tu sais très bien qu’il ne s’agit pas de sauver la planète, qui continuera très bien à vivre sans nous. L’enjeu, c’est nous, l’espèce humaine, et accessoirement les autres espèces…
— La question est de savoir si nous méritons d’être sauvés…
FIN
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Auteur chez L'Harmattan de VarIAtions (IA : le puzzle de notre futur s'assemble)
Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes
24 novembre 2025

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