Chroniques vingt-et-unièmes — Idées vagues et images claires — 20 octobre 2025
Idées vagues et images claires
— Alors, ça t’a plu ?
— La Nouvelle Vague, j’en avais entendu parler… mais Godard, c’était quand même quelqu’un de complètement ouf !
Ils ont quitté le Champo, haut lieu du « cinéma indépendant d’art et d’essai », ouvert en 1938, classé aux monuments historiques depuis 2000, où a été projeté le film Nouvelle Vague de Richard Linklater, réalisateur américain, qui sort dans les salles obscures, un film sur le film, racontant la genèse et le tournage d’À bout de souffle.
Ludivine vient de faire allusion à Jean-Luc Godard, ne pensant pas qu’en ce début des années 60 on pouvait avec tant de conviction essayer de renverser toutes les règles du cinéma. Elle remonte maintenant la rue des Écoles avec Quentin qui extrait une feuille de sa poche, ajuste des lunettes noires sur son nez et commence à lire d’une voix nasillarde :
— « Quand j'entends le mot “culture”, je sors mon carnet de chèques. »
— Il a dit ça, Godard ? C’est ce qu’il faudrait aujourd’hui !
— « Il y a le visible et l’invisible. Si vous ne filmez que le visible, c’est un téléfilm que vous faites. »
— Je ne comprends pas bien…
— « Le cinéma n'a jamais fait partie de l'industrie du spectacle, mais de l'industrie des cosmétiques, de l'industrie des masques, succursale elle-même de l'industrie du mensonge. »
— Vrai ? Le cinéma, du cosmétique ?
— « La télévision fabrique de l'oubli. Le cinéma fabrique des souvenirs. »
— Des souvenirs ? Moi, j’ai du mal à me rappeler les films que je vois…
— « En littérature, il y a beaucoup de passé et un peu de futur, mais il n'y a pas de présent. Au cinéma, il n'y a que du présent qui ne fait que passer. »
— Le présent passe ; ça, on le savait…
— « La guerre, c'est simple : c'est faire entrer un morceau de fer dans un morceau de chair. »
— On devrait dire ça à Poutine…
— « Aujourd'hui, les festivals de cinéma sont comme les congrès de dentistes. C'est tellement folklorique que c'en est déprimant. »
— Là, il exagère, quand même…
— « Les Américains veulent envahir car ils n'ont pas d'histoire. »
— Bien vu !
— « Je suis fier quand je me compare, humble quand je me considère. »
— Ça sonne bien…
— « Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d’autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. »
— Ouais, j’ai l’impression qu’il ne savait pas parler d’autre chose !
— « Quand on va au cinéma, on lève la tête. Quand on regarde la télévision, on la baisse. »
— Pour la télé, il a raison, je préfère YouTube ou TikTok…
Et Quentin continue ainsi d’égrener des citations de Godard, qui cherchait à « confronter des idées vagues avec des images claires », qui affirmait que le « cinéma est la vérité vingt-quatre fois par seconde », connu pour son langage proverbial, et amateur de provocations. Ne s’est-il pas battu avec son producteur Georges de Beauregard lors du tournage d’À bout de souffle que l’on dit emblématique de la Nouvelle Vague ? Peu y croyaient à ce film, malgré l’apport de François Truffaut pour l’idée originale, et Claude Chabrol en directeur artistique. Peu y croyaient, les acteurs principaux Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo en tête. Le succès a pourtant confirmé la notoriété de la première – qui faillit abandonner sa collaboration avant de devenir fan du réalisateur – et propulsé le second au rang de star.
Quentin range sa feuille, poursuivant avec la même voix :
— La « taxe Zucman », l’ « exit tax », la « contribution différentielle sur les hauts revenus », les bijoux volés au Louvre, ce ne sont que des trucs de riches…
— Tu l’as dit !
— Et la chasse aux riches, c’est comme des poules qui essaieraient d’attraper un renard. Mais le renard est toujours plus rusé…
— Alors là… C’est de toi ?
— Ça m’est venu comme ça. Mais continuons de parler de cinéma. Même une seule fois par seconde, ça me suffit…
FIN
https://gauthier-dambreville.blogspot.com
https://app.partager.io/publication/gd
Auteur chez L'Harmattan de VarIAtions (IA : le puzzle de notre futur s'assemble)
Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes
20 octobre 2025

Commentaires
Enregistrer un commentaire