Chroniques vingt-et-unièmes — L’écume du temps — 8 septembre 2025
L’écume du temps
Évidemment, aujourd’hui, on ne parle que du vote de confiance et du blocage qui doit ramener la France sur de bons rails, mais même s’il s’intéresse de peu à la politique, Benoît, accoudé au balcon de son studio, pense dans son for intérieur que justement « quelque chose déraille ».
Surtout, il ne veut pas suivre cette actualité de trop près, s’étonnant que des découvertes passionnantes pour comprendre l’évolution humaine ne fassent l’objet, en dehors des revues scientifiques, que de maigres commentaires.
Par exemple ce fossile – les restes d’un visage – vieux de plus d’un million d’années déterré cette année dans une grotte du nord de l’Espagne. Baptisé Pink, il est le plus âgé jamais retrouvé d’une espèce humaine en Europe de l’Ouest, et serait proche d’homo erectus, l’espèce qui a précédé homo sapiens. Et le plus intéressant, c’est l’endroit où il gisait. Comment cette espèce serait-elle arrivée jusqu’ici alors qu’on sait jusqu’à présent qu’elle a surtout colonisé l’Asie. Aurait-elle franchi le détroit de Gibraltar, et si oui par quels moyens ? Une conjecture remettant en cause un consensus largement approuvé par les chercheurs d’aujourd’hui.
Et cette tombe royale exhumée non loin de la vallée des Rois en Égypte… Elle appartient à Thoutmôsis II, pharaon de la XVIIIe dynastie, vivant il y a 3 500 ans et époux de sa demi-sœur Hatchepsout, elle-même une célèbre reine. C’est la plus ancienne tombe royale découverte depuis celle de son descendant Toutankhamon.
Sans parler de ces restes humains retrouvés en Chine. Ils datent de 5 000 ans et le plus surprenant est la taille de leurs propriétaires… Elle devait s’établir entre 1,80 et 1,90 m, alors qu’en ce temps – le Néolithique tardif – les hommes devaient plutôt mesurer 1,65 m en moyenne. Ils font partie d’un site archéologique comprenant une centaine de maisons et 200 emplacements funéraires, et ils auraient donc été des « géants » en leur époque.
Benoît aimerait vivre assez longtemps pour entendre d’autres informations de ce genre, tout en continuant à avoir les ressources cognitives pour en apprécier l’intérêt. Il envie le requin du Groenland évoluant dans les eaux glacées de l'Arctique dont la longévité est estimée à 300 ans, et peut-être même à 500 ans, de quoi pour un humain vivre plusieurs existences totalement différentes. Mais le requin en question a-t-il notion de sa longue vie ? Quel est son état de conscience ?
La bonne nouvelle, toutefois, est cette étude de 2018 qui montre que le cerveau humain peut poursuivre la production de neurones – ce qu’on appelle la « neurogenèse » – à l’âge adulte, et sans doute au-delà de 70 ans, et ce grâce à des cellules souches logées dans l’hippocampe. Cela peut aider à profiter jusqu’au bout de son état de conscience.
Benoît quitte le balcon et se saisit de la télécommande. Il zappe au hasard sur les chaînes d’informations. Même contenu, même bavardage. Les experts, les éditorialistes se succèdent pour essayer de décrypter une situation imprévisible. Pour commenter l’écume du temps dont on ne sait dans quelle direction le vent violent l’emportera.
Pink, Thoutmôsis II, les géants de Chine, le requin du Groenland, la neurogenèse. Oui, la recherche avance, et pas besoin de vote de confiance. C’est un processus qu’on ne pourra jamais bloquer, se dit Benoît.
FIN
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Auteur chez L'Harmattan de VarIAtions (IA : le puzzle de notre futur s'assemble)
Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes
8 septembre 2025

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