Chroniques vingt-et-unièmes — Toucher le fond — 25 août 2025

 Toucher le fond

—  Ce fait divers, tout de même, c’est incroyable…

—  De quoi parles-tu, répond Xavier à Émeline.

—  Cet homme qui se faisait filmer en train de subir des sévices durant des semaines, et mort en direct sans qu’on ait bien compris les causes…

Xavier se sent atteint par un accès de philosophie :

—  Ce sont les zones grises de la société…

—  Oui, enfin… En tout cas, sa notoriété lui a permis d'être invité dans différentes manifestations, et on l’a même vu au Festival de Cannes !

—  Une petite compensation…

—  Et le pire, c’est que ces vidéos en live étaient suivies par 15 000 personnes. Ça me donne envie de vomir…

À ces mots, Émeline se lève de son fauteuil et commence à parcourir nerveusement le salon.

—  Il y a tout de même quelque chose de rassurant dans cette affaire…, la réconforte Xavier.

—  Ah oui ? J’aimerais bien savoir !

—  En fait, la bonne nouvelle, c’est qu’on a touché le fond. Et lorsqu’on est au fond, un coup de pied permet de remonter à la surface.

—  Je ne suis pas aussi optimiste… Un fond peut en cacher un autre…

Xavier, non plus, n’est pas très optimiste, et il a horreur de s’appesantir sur les faits divers, bien que certains analysent l’événement comme un tournant majeur de la société gangrenée par les écrans. Il rétorque :

—  C’est bien dit, mais on pourrait peut-être parler d’autre chose…

—  Du blocage du pays le 10 septembre ?

Là, par contre, les soubresauts de la société, au sens politique du terme, constituent son sujet de prédilection.

—  Par exemple…  Cette volonté de blocage est intéressante. D’un point de vue expérimental, je suis curieux de savoir comment on peut bloquer un pays déjà immobile qui le sera même sans doute davantage après le vote de confiance du 8 septembre demandé par Bayrou…

Émeline lève les yeux au ciel, comme elle a l’habitude de le faire avec ce type de remarques acerbes de son mari.

—  Vu de cette manière… Mais j'ignore où cela peut aboutir. Les partis de gauche soutiennent le mouvement, certes, comme les socialistes, « bien que les contours soient flous » aux dires d’Olivier Faure, mais les syndicats sont prudents. Par exemple, la CGT parle d’un « noyautage de l’extrême droite ».

—  J’ai entendu aussi, acquiesce Xavier, mais il faudrait que la CGT prenne conscience de la situation. Historiquement, elle représente les ouvriers, même si les choses ont un peu changé aujourd’hui. Mais d’après les sondages, 54 % des ouvriers votent RN… Elle devrait réactualiser ses données…

—  Et pour le noyautage, des comptes russes et iraniens relaient l’appel au blocage. Ça fait également réfléchir.

—  Déstabilisons, déstabilisons, il en restera toujours quelque chose…

—  Cela dit, il y a des vrais problèmes, des gens souffrent, soupire Émeline. La rentrée sera chaude…

—  Ce n’est pas vraiment un scoop. En trente ans, ce sera notre trentième rentrée chaude. Ça se passe généralement juste avant Halloween. Après, c’est une autre période, on pense déjà aux fêtes, Noël approche…

—  Ah non ! Ne me parle pas de Noël maintenant. D’ailleurs, je me demande si Ludivine sera avec nous.

Mais Xavier réfléchit :

—  Avec ou sans gouvernement, est-ce que les choses iront plus mal ? Mais il y a une bonne nouvelle : une fois qu’on a touché le fond…

—  Ah non ! Ne recommence pas. Parlons plutôt de Noël… !

FIN

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Auteur chez L'Harmattan de VarIAtions (IA : le puzzle de notre futur s'assemble)

Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes

25 août 2025