Chroniques vingt-et-unièmes — La tête haute — 12 mai 2025
La tête haute
— C’est ma tournée, déclare Thomas, je fête mes trente ans aujourd’hui !
Magali, Thomas, Alexandre, Nassim, les quatre anciens du lycée sont à nouveau réunis dans le café de Saint-Germain. Ils se retrouvent en ce jour d’anniversaire de Thomas, ce qui n’est que le fait du hasard puisqu’ils ont décidé de se rencontrer deux à trois fois par an pour ne pas laisser le temps – assassin selon le chanteur Renaud – creuser encore entre eux un espace de dix ans.
Après le toast, Alexandre a interpellé Magali la magistrate sur la société « orange mécanique » que l’on évoque beaucoup en ce moment (refus d’obtempérer, rodéos urbains, dégradations après les matchs de foot…), et bien sûr la réforme des prisons lancée par Gérald Darmanin.
— On va dédier des établissements ultra-sécurisés aux détenus les plus dangereux, on va construire rapidement des prisons en préfabriqué pour les moins dangereux et pour les mineurs, répond-elle. En fait, on revient au système des prisons différenciées du passé. Sans parler du bagne, des quartiers de haute sécurité – ce qu’on appelait les QHS – ont existé de 1974 à 1982 avant d’être supprimés sous le ministère Badinter. Et naguère, on envoyait les mineurs condamnés dans des maisons de redressement. Le tort a été sans doute d’uniformiser les prisons…
— Mais il faut de l’argent pour ça, l’interrompt Thomas en reposant son verre. On cherche déjà 40 milliards ! Et je me demande si le référendum sur le Budget permettra de les trouver… Tu sais bien que la France est la mauvaise élève de l’Europe. Si on ne fait rien, la France, au mieux, sera dans la situation qu’a connue la Grèce, et, au pire, on verra surgir un homme à la tronçonneuse ! Tu as une idée, Alexandre ? Reculer encore l’âge de départ à la retraite ? Et toi, Nassim, l’IA pourrait-elle apporter une solution ?
Nassim, en tant que spécialiste de l’intelligence artificielle, est souvent sollicité par ce type de question. Il sourit :
— Peut-être qu’avec les IA de dernière génération comme Deepseek, capables de résoudre des problèmes complexes, on pourrait y arriver…
Mais Alexandre, l’économiste, saisit la balle au bond :
— Un référendum sur le Budget pourrait coûter entre 100 et 200 millions d’euros, si on écoute le ministre de l’Intérieur, une dépense nouvelle peut-être à éviter… Alors, reculer encore l’âge de départ à la retraite ? Si tu veux vraiment la révolution, c’est ce qu’il faut faire. La réforme des retraites, en définitive, s’inscrit dans la problématique générale de réduction des déficits pour empêcher la dette de se creuser davantage. Il existe pourtant une solution à laquelle on ne pense jamais et que tout le monde connaît, ou va connaître, parfois douloureusement.
En face d’Alexandre, c’est un cri du cœur en chœur :
— Nous aimerions bien savoir laquelle !
Alexandre savoure son effet d’annonce et explique :
— Une étude a conclu que la France est devenue une société d’héritiers, qu’on est passé de la méritocratie à l’« héritocratie »…
— Et alors ? On ne voit pas très bien le rapport…, dit Magali.
— Mais si, il suffit d’attendre un peu… C’est simple : la génération des baby-boomers va bientôt s’éteindre en laissant derrière elle 9 000 milliards d’euros d’héritage, un record dans l’histoire – ça sert à ça d’avoir érigé des barricades. (Les autres s’esclaffent). Dans la mesure où l’impôt sur les successions est très progressif – je rappelle qu’après l’abattement de 100 000 euros par héritier, le taux d’imposition est de 40 % au-dessus de 902 000 euros et de 45 % au-delà de 1 805 000 euros –, et en considération du fait que ces successions seront généralement très importantes, eh bien en estimant un taux moyen de 30 %, ça permettra de rembourser l’ensemble de la dette française ! CQFD !
— Et personne n’y a pensé ? s’étonne Nassim.
— Bien sûr que si, on doit y réfléchir sérieusement en coulisses, mais il est inutile de baisser la garde en déclarant qu’on a trouvé la solution miracle…
— Pas très glorieux comme solution, conclut Magali, mais la génération des baby-boomers, tant décriée et « responsable de tous les maux », se plaint toujours mon père, pourra au moins partir la tête haute…
— Si on peut dire, renchérit Thomas.
FIN
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Auteur chez L'Harmattan de VarIAtions (IA : le puzzle de notre futur s'assemble)
Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes
12 mai 2025
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