Chroniques vingt-et-unièmes — Sauter à pieds joints — 28 avril 2025


 Sauter à pieds joints


Toujours les mêmes sujets : L’Ukraine et bien sûr le conflit entre Israël et le Hamas. Une actualité qui se répète. Et en prime les dernières mesures et les reculs de Donald Trump. Pour les trois anciens militaires Jean-Bernard, Ludovic et Charles, il y a matière à discussion. Le premier, d’ailleurs, explique :

—  Si vous voulez mon avis, Poutine, qui a bâillonné la démocratie en Russie, utilise la démocratie des pays occidentaux pour parvenir à ses fins. Exactement comme au judo lorsqu’on utilise la force de l’adversaire. Il en connaît parfaitement tous les ressorts et il cherche à exciter, grâce aux réseaux sociaux, tous les contre-pouvoirs qui, par définition, n’existent que dans une démocratie. Et ça marche très bien…

—  Quel intérêt ? le coupe Ludovic.

—  Mais l’immobilisme ! Beaucoup de paroles, de débats, de polémiques, mais peu d’actions. Tiens, prenez le cas de la punaise de lit. Il est avéré maintenant que la plupart des vidéos montrant des punaises dans le métro ou dans les bus étaient postées par des comptes prorusses. Les médias se sont évidemment jetés sur le sujet et tout le monde a sauté à pieds joints. Pendant qu’on fait diversion, on ignore les choses essentielles.

Charles demande au serveur du bistrot de la place du Trocadéro de lui apporter un café supplémentaire. Il renchérit :

—  Et ce n’est pas une situation nouvelle. Au temps de l’URSS, c’était le même phénomène, le PC allant chercher ses ordres à Moscou, à croire que l’on sait toujours respecter les traditions. Et je me souviens encore de la phrase de Staline : « les capitalistes nous vendront la corde pour les pendre » !

—  Oui, mais revenons à la conjoncture d’aujourd’hui, répond Ludovic. Notre président appelle à des « actions fortes » si la Russie continue de refuser la paix. Qu’est-ce que cela signifie à votre avis ? Une bombe sur Moscou ?

Jean-Bernard hoche la tête :

—  Je l'ignore mais il serait au moins prudent de préciser ce qu’on veut faire car en face on peut effectivement avoir peur d’une bombe et déclencher la surenchère…

Ce n’est pas l’avis de Charles :

—  Je pense qu’on n’en est pas encore là. Je suis par contre plus inquiet à propos du Groenland. Trump a réellement l’air d’y tenir…

—  C’est vrai, approuve Ludovic, que si on considère le Groenland avec ses 56 000 habitants pour 2,16 millions de kilomètres carrés, face à 340 millions d’Américains occupant 9,8 millions de kilomètres carrés, le combat est inégal. Même avec le Danemark derrière…

—  Là aussi une longue tradition, continue Charles. Depuis leur création, les États-Unis n’ont jamais cessé de s’agrandir. À partir des treize colonies d’origine, ils ont avancé au XIXe siècle vers l’ouest en s’emparant progressivement, par achat de la Louisiane à la France, et militairement contre le Mexique, de la partie la plus habitable du continent nord-américain. Tout en massacrant et en évinçant les peuples amérindiens de leurs terres – qu’ils appellent maintenant pudiquement « Premières Nations » –, et en ne respectant aucun traité. Et ensuite, après l’achat de l’Alaska à la Russie, il y a eu la victoire contre l’Espagne qui leur a permis de jeter des ponts sur le Pacifique en s’appropriant Cuba, Porto Rico, les Philippines et Guam. Sans parler, pour d’autres raisons, d’Hawaï, devenue plus tard 50e État de l’Union, des îles Marianne du Nord, des îles Samoa et divers atolls… C’est une belle liste…

—  Une longue tradition, peut-être, mais ce qui se passe en ce moment, ça choque ! le reprend Jean-Bernard.

—  Tout simplement parce qu’on vit avec l’illusion que les frontières sont à jamais figées alors que dans l’histoire des hommes et des batailles, elles n’ont cessé de fluctuer, et toujours selon la loi du plus fort. Il suffit de voir les changements à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. À l’époque, tous les pays ont-ils signé une convention ou un traité spécifiant que les frontières ne bougeraient plus jamais ? Je ne crois pas…

—  Quoi qu’il en soit, conclut Jean-Bernard, Poutine et Trump créent du contenu à longueur de journée, et cela intéresse beaucoup la presse. Là aussi, on saute à pieds joints… Heureusement, on parle un peu d’autre chose avec la mort du pape !

De l’intérieur, Ludovic fixe la place illuminée sous le soleil d’avril.

—  Je pars demain pour une semaine sur la côte atlantique, et ce que j’ai envie, moi, c’est de sauter à pieds joints dans la mer… !



FIN


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Auteur chez L'Harmattan de VarIAtions (IA : le puzzle de notre futur s'assemble)

Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes

28 avril 2025

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