Chroniques vingt-et-unièmes — Le coup est parti — 17 mars 2025


 Le coup est parti


Assis à la terrasse, Nassim réfléchit. Il savait que  cela allait arriver, que c’était inéluctable, mais pas aussi rapidement. Il y a un an, dans ce même café de Saint-Germain, il expliquait à ses amis de lycée Magali, Alexandre et Thomas ce qu’est le brainoware après l’expérience tentée dans une université de l’Indiana. Les chercheurs avaient mis en culture des cellules souches d’origine humaine dans une boîte de Petri pour créer ce qu’ils appelaient un organoïde cérébral fait de neurones et de synapses. Pas très grand cet organoïde, un millionième de millimètre, mais connecté à une IA au moyen d’une puce informatique et soumis à des extraits vocaux, il avait été  capable au bout de deux jours d’indiquer parmi huit personnes différentes celle qui parlait, et ce dans les trois quarts des cas. Il avait aussi résolu très rapidement un exercice mathématique et  surperformé les réseaux neuronaux lors d’une batterie de tests normalement conçus pour ces derniers !

Depuis, les choses n’ont pas traîné, les expériences se sont multipliées, et la concurrence est féroce ! C’est ainsi qu’une start-up australienne, Cortical Labs, vient de commercialiser un ordinateur hybride constitué de cellules cérébrales vivantes et de composants électroniques. Elle n’est pas la seule, d’autres entreprises se sont lancées dans cette course technologique utilisant des neurones humains.

Nassim en est certain, un profond bouleversement se prépare. C’est pour lui la troisième génération de l’IA après les systèmes experts des années 80 et le deep learning qui s’est développé à une vitesse foudroyante depuis quelques années. Une troisième génération que certains commencent déjà à appeler IO. « IO »  comme « Intelligence organoïde ».

Officiellement, avec cette technologie, il s’agirait de mieux étudier le fonctionnement cérébral, mais on se doute des immenses débouchés qui s’ouvrent. Le principal intérêt est d’exploiter à l’état naturel toutes les ressources et la complexité du cerveau humain, en consommant très peu d'énergie, ce qui est loin d'être le cas avec les superordinateurs conçus pour l’IA.

Et Nassim pense au couplage qui pourrait se faire avec les robots humanoïdes dont la filière est en pleine effervescence. Car les innovations s’enchaînent dans ce domaine. On se souvient du robot Atlas de l'entreprise Boston Dynamics, capable de réaliser des saltos arrière avec une incroyable dextérité. Il s’est depuis largement amélioré grâce à des mécanismes de locomotion beaucoup plus légers. 

Cependant, il n’est pas le seul. On  ne compte plus maintenant les nouveaux spécimens qui arrivent sur le marché. Par exemple le robot Optimus de Tesla promu par Elon Musk, en mesure de préparer des cocktails et de les servir à des invités, et qui pourrait être la première créature à atteindre la planète Mars. Mais également Figure 02 doté de l’IA d’Open AI qui lui aussi peut préparer du café et le servir. Sans parler d’Ameca d'Engineered Arts, étonnant par les mimiques de son visage associé à des émotions, de Digit d’Agility Robotics, conçu pour des tâches harassantes et répétitives, et de bien d’autres… Les entreprises en question annoncent des objectifs civils comme les soins aux personnes âgées, l’aide aux handicapés, l’enseignement interactif, le tutorat, l’accueil dans les musées ou les magasins, le travail dans des conditions extrêmes, etc., ceci pour lutter contre la future pénurie de main-d’œuvre, notamment en Asie. Mais cette effervescence donne le tournis et crée un certain malaise. Car il n’y a pas que des sentiments nobles qui animent les initiateurs de ces technologies. On pourrait citer à cet égard le gouvernement chinois qui développe des robots militaires, ce qui nous entraîne immédiatement dans l’univers de Terminator ou de Matrix.

Le coup est parti, maintenant, la seule chose à faire est de s’adapter… se dit Nassim. Au moins, essayons de fournir un mode d’emploi et diffusons les bonnes pratiques, ce qu’on n’a pas jamais pour les smartphones, les messageries et les réseaux sociaux…

Nassim paie la note au serveur qui affiche un sourire las. Peut-être celui-ci sait-il que la révolution est en marche et que son poste est menacé. A-t-il lu l’étude récente de la Bank of America qui prévoit qu’un million de robots seront vendus par an en 2030 et que 3 milliards d’entre eux seront en service en 2060 ?

Oui, s’adapter, mais comment ?


FIN


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Auteur chez L'Harmattan de VarIAtions (IA : le puzzle de notre futur s'assemble)

Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes

17 mars 2025

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