Chroniques vingt-et-unièmes — Agir — 24 février 2025
Agir
— Pas un jour sans un fait divers, grogne Sébastien, et de plus en plus avec des adolescents. On devrait s’interroger sur les causes. La société est défaillante…
— Elle est surtout plus tolérante…, répond Xavier.
— Comment ça, plus tolérante ?
— Oui, plus tolérante. Dans le passé – je parle de l’Ancien régime –, ceux qui attaquaient dans la rue étaient pendus sans autre forme de procès. À présent, on peut être jugé une dizaine de fois au tribunal pour des actes d’agression. Apparemment, les peines, quand il y en a, ne sont pas dissuasives. On a vu récemment le cas d’un homme de 22 ans qui a fracassé la mâchoire et le nez d’un médecin et qui a été condamné à seulement trois semaines de travaux d’intérêt général…
— Tu voudrais revenir à l’ancien temps où on pendait les gens ?
— Non, je n’ai pas dit ça, mais entre le fait de pendre les gens et une presque impunité, il doit exister un juste milieu. D’accord, il y a des rappels à la loi, mais il me semble que « nul n’est censé ignorer la loi ».
Le juste milieu, songe Xavier, en prononçant ces paroles. Encore faudrait-il s’accorder sur ce qui est juste…
— Ouais, le juste milieu, reprend Sébastien. Et Trump, tu en penses quoi ?
— Je trouve qu’il y a une sorte de fascination à propos de Trump. Chacune de ses phrases est disséquée et fait le tour de la planète. On organise des débats, des éditions spéciales… Laissons-le parler et observons déjà ce qu’il fait…
— Mais il fait des choses ! Et à la tronçonneuse comme Javier Milei…
— C’est un choc de culture…
Sébastien secoue énergiquement la tête :
— Un choc de culture, rien que ça…
— Oui, prends l’exemple de la réforme des retraites : on commence une concertation en 2017, et en 2025 on est toujours en concertation. Rien à voir avec Donald Trump : dans les premières 24 heures, il publie des dizaines de décrets…
— Et tu trouves que c’est bien ?
— Je n’ai pas d’avis, mais cela nous semble forcément bizarre, nous ne sommes pas habitués. Autre exemple : les fonctionnaires. Depuis plus de trente ans en France, on a le débat sur le nombre de fonctionnaires. Certains veulent une diminution, d’autres, au contraire, une augmentation pour renforcer les services publics. Et pendant ces trente années, leur effectif n’a cessé d’augmenter, à tort ou à raison. Aux États-Unis, en seulement un mois, Trump a déjà taillé dans le vif. Dans un tweet, Elon Musk demande à tous les fonctionnaires de justifier leur activité la semaine précédente, en menaçant de les licencier s’ils ne le font pas. C’est une méthode différente… On arrête de discuter et on agit…
— Ça m’écœure…, soupire Sébastien.
— Sûrement, mais ça n’écœure pas la moitié des Américains qui ont voté pour Trump, et ça commence à faire du monde. Mais c’est vrai, on s’y perd un peu avec toutes ses déclarations, en particulier sur l’Ukraine, et ses supposées négociations avec Poutine. Un de mes amis pense que Trump pourrait avoir comme ambition d’investir en Sibérie qui regorge de minerais, lesquels seront bientôt davantage exploitables avec le réchauffement climatique. C’est une éventualité. Et ça permettrait en outre de repeupler la Sibérie face à la pression démocratique de la Chine.
— Pourquoi pas, il faut s’attendre à tout… mais je reviens en France : je suis aussi écœuré par les propos de Bernard Arnaud. Il menace de délocaliser… C’est du chantage !
Xavier avance son fou puis hésite :
— On ne devrait pas l'interpréter comme ça. Bernard Arnaud ne fait qu’évoquer des conséquences ou des parades possibles à l’augmentation des taxes sur les grandes entreprises. Si j’ouvre un parapluie pour me protéger de la pluie, ce n’est pas du chantage à la pluie. Si je me couvre de crème solaire, ce n’est pas du chantage au soleil.
— Arrête avec ces comparaisons infantiles…
— D’accord, je ne le ferai plus, mais reparlons des retraites : finalement, on y arrive…
Sébastien fronce les sourcils.
— On arrive à quoi ?
— À la planète Mars. Sans trop dépenser d’argent. À force de dresser des lignes rouges partout, on se croirait dans un paysage martien.
— Pfff… vraiment mauvais… Mais toi qui adores le cognac, tu n’as même pas évoqué la question. C’est pourtant mal parti avec la Chine et les États-Unis qui se préparent à augmenter les droits de douane. Tu sais que 90 % de la production est exportée…
— Si on ne le vend plus, on fera du biocarburant… Les Verts seront ravis…
— Bon, puisqu’on ne peut pas être sérieux, je vais te laisser…
Sébastien se lève de sa chaise pendant que Xavier sourit :
— Et tu devrais agir plutôt que discuter : regarde comment est placé mon roi… Ça fait une demi-heure que tu aurais dû me faire mat !
FIN
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Auteur chez L'Harmattan de VarIAtions (IA : le puzzle de notre futur s'assemble)
Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes
24 février 2025
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