Chroniques vingt-et-unièmes — Un rare moment de fraternité — 23 décembre 2024
Un rare moment de fraternité
Thomas passera Noël avec son père Marcus, une tradition entretenue depuis la mort de sa mère Élodie. Il ne sait pas si celui-ci mettra les petits plats dans les grands, s’il sera dans la norme. Car selon des études, les Français prévoient de dépenser en moyenne 132 euros par foyer pour le repas de Noël. Un compte très précis. Mais peu importe, l’année a été dure et heureusement qu’il existe de telles périodes festives. En effet, si on récapitule : élections européennes, dissolution, élections législatives, gouvernement démissionnaire, long choix d’un nouveau Premier ministre, Budget, discussion du Budget, festival de mesures fiscales, 49-3, et pour finir motion de censure, gouvernement démissionnaire…
Beaucoup voulaient un nouveau Premier ministre flambant neuf pour Noël, et ils en ont eu un, pas forcément flambant neuf, mais habitué aux arcanes de la République. Faut-il le déplorer ?
Et pendant ce temps, pendant une France à l’arrêt, le monde continue de se transformer. La parenthèse ouverte avec la décolonisation se referme. Cette fois-ci, la France, dans sa version militaire, est en train de quitter l’Afrique, de gré ou de force. Après tant de discours de présidents français en visite sur place, la réalité rejoint les intentions les plus louables, la « Françafrique » arrive effectivement à son terme. Après le Mali, le Niger, le Burkina Faso, c’est au tour du Tchad et du Sénégal. Il ne restera que la base de Djibouti destinée, par la force des choses, à devenir un « centre de projection » pour toute opération sur le continent.
Mais ce n’est qu’un signal noyé dans un phénomène mondial. On sent la montée d’un sentiment, voire d’un front, antioccidental général. On le constate avec les BRICS qui s’étoffent, croulant sous les candidatures.
Toutefois, la bonne nouvelle de la fin d’année a été la réouverture de Notre-Dame, dont le chantier a montré, comme les Jeux de Paris, ce que la France était capable de faire. C’est d’ailleurs, selon Thomas, le résultat du mode de management par la contrainte. Le fait d’annoncer et d’imposer, sans aucune visibilité, un délai de cinq ans pour la reconstruction a mobilisé toutes les énergies. Si on avait constitué un comité d’experts pour définir une échéance, ledit comité serait, après maintes réunions et une avalanche de reportings, toujours en train de discuter.
On devrait s’inspirer de la méthode pour d’autres chantiers, se dit Thomas.
Et peut-être pour Mayotte. Thomas imagine la détresse de ceux qui ont tout perdu juste avant Noël. Pas de fêtes pour eux, seule l’ambition de chercher à survivre. On devrait tout rebâtir en rasant les débris des bidonvilles qui ont été disloqués sous les rafales. Avec des règles adaptées pour accélérer les décisions. Ce sera peut-être l’objet de la loi annoncée par le Président. Mais surtout, il faudrait un projet pour l’île, ne pas la laisser dans l’assistanat.
Je me demande si on parlera de tout cela le soir du réveillon. Marcus, entre deux digressions sur la matière noire, s’extasiera sur le Pata Negra que son fils a fait spécialement venir d’Espagne, avec la garantie que tous les porcs ont été élevés en plein air dans des forêts de chêne-liège.
Mais on évoquera sans doute l’EPR Noël de Flamanville, raccordé enfin au réseau depuis quelques jours, qui avec ses 1 600 GHz va presque compenser la fermeture des deux réacteurs de Fessenheim en 2020. Il a douze ans de retard, il a certes coûté quatre fois plus que prévu, mais il « paie » en quelque sorte le quasi-abandon de la filière nucléaire il y a trente ans, avec la dramatique perte de compétences qui a suivi. C’est aussi la rançon du « pire des régimes à l’exception de tous les autres », tel que le définissait Churchill, c'est-à-dire de la démocratie, qui peut, à la suite d’un suffrage populaire, faire des pas de côté, voire machine arrière, sans que l’horizon s’en trouve pour autant éclairci.
Et pour la situation politique actuelle, Thomas se gardera bien de formuler un pronostic sur la survie du nouveau gouvernement nommé in extremis avant Noël, le jour du deuil national pour Mayotte, ce qui a provoqué l’ire d’une députée de l’île. Heureusement, la « loi spéciale », qui permet de continuer à recouvrer les impôts et à la France d’emprunter sur les marchés, a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée et le Sénat dans un rare moment de fraternité – ou de réalité –, et même promulguée. C’est plus efficace qu’aux États-Unis où plane toujours l’ombre du shutdown, ce vieux serpent de mer, évité encore de justesse.
En France, on sait démontrer, comme pour les JO et Notre-Dame, que l’on est organisé…
FIN
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Auteur chez L'Harmattan de VarIAtions (IA : le puzzle de notre futur s'assemble)
Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes
23 décembre 2024
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