Chroniques vingt-et-unièmes — Ce long voyage — 23 septembre 2024
Ce long voyage
2024, année de commémorations : débarquement en Normandie, massacre d’Oradour-sur-Glane, libération de Paris, Jeux de 1924, et aussi, pour cette même année, la découverte de la grotte de Glozel qui a donné lieu à « l’affaire Glozel ».
Thomas a lu quelques-uns des articles qui ont fleuri pour célébrer l’événement ou simplement rappeler l’affaire en question – notamment celui de Jean-Paul Demoule, immense spécialiste du Néolithique. De quoi s’agit-il ? Le 1er mars 1924, sur le territoire d’une commune de l’Allier, une chambre souterraine est mise au jour dans un champ par un agriculteur et son petit-fils au moment des labours. Après plusieurs fouilles, on constate que cette chambre contient des objets à l’apparence familière (des petites figurines, des fragments de poteries, des ossements, des pierres taillées…) dont la datation avec les moyens de l’époque bouscule toutes les connaissances disponibles jusque-là : certains artefacts exhumés remonteraient à quinze milliers d’années, soit près de dix mille ans avant les premiers tessons de poterie découverts dans le pourtour méditerranéen. Mais surtout, on note des vestiges d’écriture dont les caractères sont apparentés à l’alphabet phénicien ! Douze mille ans avant les premiers tracés cunéiformes en Mésopotamie ! On comprend que la nouvelle ait fait sensation sur le moment. Car elle avait des conséquences inimaginables. Elle signifiait que le berceau de la civilisation pouvait se situer en Europe et non au Proche-Orient comme c’était déjà communément admis. De quoi arranger les nationalismes de l’entre-deux-guerres.
Impossible, pense Thomas. Où est l’arnaque ?
Car il y a des incohérences : comment des restes archéologiques appartenant a priori à des âges très différents peuvent-ils se retrouver dans la même couche géologique ?
Cependant, l’affaire s’emballe, les visiteurs affluent en masse, et toute une activité se crée sur le site, procurant une manne à la commune.
Les « pour » et les « anti » prennent position, les études s’enchaînent, des procès ont lieu jusqu’à ce que plus aucun expert ne doute que des objets fabriqués de toute pièce ou ramassés ici et là ont été introduits frauduleusement dans la chambre souterraine en question.
Quand et par qui, voilà le vrai mystère qui demeure.
Mais Thomas ne cherche pas à le percer ce mystère, il préfère nettement la découverte qui vient d’être faite lors des fouilles des sous-sols de la cathédrale Notre-Dame à l’occasion des travaux de réfection. Une véritable enquête policière : tout indique en effet que l’on a retrouvé la sépulture de Joachim du Bellay parmi les centaines d’autres que renferme cette nécropole. Car les indices convergent. Et on en sait maintenant un peu plus sur le poète. L’examen du squelette a montré qu’il est mort autour de 35 ans et souffrait d’une grande partie des maux de l’époque : tuberculose, méningite chronique, perte de toutes les dents…
Il ne devait pas être aussi heureux qu’Ulysse mais il a fait ce long voyage jusqu’à nous…
FIN
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Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes
23 septembre 2024

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