Chroniques vingt-et-unièmes — Goûtons l’instant présent — 12 août 2024


Goûtons l’instant présent
 


 Il n’aurait certainement pas imaginé cette épidémie de demandes en mariage dans les stades ou sur les lignes d’arrivée. Encore une conséquence inattendue des Jeux. Mais sur son petit nuage ou derrière le miroir (Thomas pense à l’une de ses amies qui lui a confié qu’après sa disparition, elle aimerait continuer à regarder vivre les siens derrière le miroir), Pierre de Coubertin doit être satisfait.

Celui-ci aurait sans doute été surpris par ces nouvelles disciplines admises telles que le taekwondo, le breaking danse, le BMX ou le skateboard, les trois premières ayant rapporté plus de médailles que l’athlétisme à la France.

Oui, il doit être satisfait du succès des Jeux, mais on parle peu de cet homme en France, à l’inverse de l’étranger où il est souvent célébré comme un héros. Est-ce parce qu’il est jugé réactionnaire ? Ou misogyne ? Ou parce qu’il a fait l’objet de sollicitations des autorités nazies lors de son exil en Suisse, sollicitations auxquelles il n’a pas répondu ? Thomas, en tant qu’historien, se promet de creuser la question.

Le pari n’était pourtant pas gagné en 1896 lors des premiers nouveaux Jeux contemporains à Athènes qui se déroulèrent dans une quasi-indifférence de la presse, et en particulier des journaux français, les fédérations sportives ayant vu d’un mauvais œil l’arrivée d’une compétition concurrente à leurs championnats mondiaux annuels. 

Thomas se souvient de la conversation qu’il a eue avec son père Marcus il y a un an : les Jeux antiques créés selon la tradition en 776 av. J.-C. à Olympie pour commémorer une victoire dans une course de chars, lesquels Jeux s’étaient ensuite tenus tous les quatre ans durant dix siècles entre les cités grecques, avant d’être supprimés en 393 par l’empereur Théodose, plutôt frileux, les assimilant à un rite païen. Une conséquence du décret de Thessalonique qu’il avait pris en 380 imposant la version du christianisme issue du Concile de Nicée, dite « catholique », c’est-à-dire universelle, et de celui de 392 interdisant précisément les rites païens dans tout l’empire au profit de la religion du Christ.

Ça, c’est pour la petite histoire. Mais la grande histoire, pour une fois, est parvenue à séparer le bon grain de l’ivraie avec ce baron français, illuminé sans doute, qui croyait qu’en faisant concourir ensemble les nations du monde, la guerre deviendrait incongrue. Une espérance vite balayée à quelques années de la terrible conflagration de 1914…

On a évoqué « une parenthèse enchantée » à propos de ces Jeux 2024, un moment où le peuple français s’est retrouvé dans la joie et la ferveur. Et ils ont eu de quoi alimenter cet engouement avec les 64 médailles gagnées, dont 16 d’or et 28 d’argent, plaçant la France au cinquième rang au classement des médailles d’or, et même au quatrième à celui des médailles tout court – il est loin le temps où la France n’obtenait qu’une médaille d’or, c’était grâce à Pierre Jonquère d’Oriola en équitation lors des JO de Tokyo de 1964.

Et peut-être faut-il expliquer cet enthousiasme, comme a tenté de le faire un commentateur, par un « besoin d’amour » en France après plus de six mois de campagne électorale où la haine et les insultes se sont montrées omniprésentes.

En tout cas, Thomas a été bluffé par la qualité et l’efficacité de l’organisation, la preuve que la France est encore capable de faire quelque chose de grand.

La cérémonie de clôture ne l’a pas non plus déçu. Après le moment dédié à tous les athlètes qui ont participé aux compétitions, dansant et chantant ensemble dans une totale communion, on  a pu observer la consécration de celui qu’on surnomme maintenant le « roi Léon », et le passage de relais à Los Angeles par Tom Cruise. 

Tom Cruise qui ne fait jamais les choses simplement, qui  est descendu en rappel dans le stade depuis le toit, a saisi le drapeau olympique, a enfourché une moto en trombe, a dévalé les rues de Paris, s’est rendu à un aéroport pour monter en marche par la soute arrière (pourquoi faire simple…) dans un avion qui décollait, a fait le vol jusqu’à Los Angeles avant de sauter en parachute au-dessus de la ville !

Mais c’est la presse des États-Unis qui n’a pas vraiment été séduite par le clip préenregistré (réalisé par des Américains) diffusé écran géant lors de la cérémonie et montrant l’arrivée du drapeau à Los Angeles. On a lu là-bas ces diverses critiques : « Los Angeles a réduit la séquence à un divertissement de fête sur la plage. […] Un changement d'ambiance entre l'événement artistique et conceptuel français et le bruit ambiant de Los Angeles. […] Un véritable choc. […] Esthétiquement, c'était comme quitter un cinéma sombre après un mystérieux film étranger et marcher vers la lumière vive d'un centre commercial américain bruyant […] Après toutes les images de la France – la Tour Eiffel, Versailles –, déplacer les débats dans une cabane sur la plage peinte avec “LA28” semble être une sérieuse déception. »

Ce sont déjà les polémiques qui commencent, pense Thomas. Mais ce n’est pas chez nous pour cette fois. Goûtons l’instant présent…



FIN


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Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes

12 août 2024

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