Chroniques vingt-et-unièmes — Une trêve d’un an — 26 août 2024


 Une trêve d’un an 


Ce n’est pas leur thème de discussion favori, mais au terme de la parenthèse olympique de l’été, le sujet est revenu avec force. Et comment y échapper ?

—  Alors, ce Premier ministre, on va le nommer ? s’interroge tout haut Xavier en refermant sa tablette. Lucie Castet commence à s’impatienter. Elle  a appelé à la fin de l’injustice sociale et de l’austérité…

—  La fin de l’injustice sociale, c’est rassembleur…, répond Émeline. Je me demande qui pourrait être contre.

—  Moi aussi, mais pour ce qui est de l’austérité, il faudra peut-être changer notre définition de la chose. Car est-ce qu'on peut parler d’austérité pour un pays dont le déficit représente 30 % du budget ? Si c’était le cas, on taillerait dans les dépenses pour limiter le déficit ! Mais on en est loin, et après les victoires de Léon Marchand, j’ai l’impression que la fête est finie et qu’on va retourner dans le grand bain…

—  C’est mauvais, soupire Émeline en levant les yeux au ciel.

—  Et ce que j’ai trouvé intéressant, continue Xavier sans tenir compte de la réaction d'Émeline, c’est la position des Insoumis. Ils reprochent au Président de ne pas se soumettre, d’être un Insoumis en quelque sorte. Mais il est des leurs ! Ils auraient dû chanter « Il est des nôtres » !

—  Encore plus mauvais… On peut toujours plaisanter sur le sujet, mais la situation reste bloquée. Macron a fait les consultations et on n’est pas plus avancé : le bloc présidentiel, la droite républicaine et le RN menacent de voter une motion de censure en cas de ministre LFI au gouvernement ; et la gauche et RN risquent à leur tour de voter une motion de censure pour tout Premier ministre qui ne serait pas de leur bord. Le problème, c’est que si on nomme un nouveau Premier ministre, de quelque parti que ce soit, on ne reviendra plus en arrière, parce que s’il est renversé, on ne pourra plus nommer un remplaçant venant du bloc présidentiel, car il serait renversé à son tour, à moins qu’il démissionne aussitôt, ce qui serait plutôt tordu. On serait là vraiment SANS gouvernement. Le gouvernement actuel, même s’il est démissionnaire, a au moins le mérite d’exister.

—  De toute façon, on ne peut rien faire avec trois blocs…

—  Et la faute à qui ? À mon avis, c’est le mode de scrutin qu’il faut revoir.

—  Revoir le scrutin majoritaire ? Mais tu as toujours été pour. Moi aussi, d’ailleurs…

—  Réfléchis : le scrutin majoritaire à deux tours a été conçu pour que le parti le plus important obtienne la majorité des députés – ou presque. Ça ne s’est jamais passé autrement sous la Cinquième République. Même avec 30 % des voix, un parti pouvait obtenir la majorité à l’Assemblée. Sauf que cette fois-ci, la machine s’est enrayée. Qu’on le veuille ou non, c’est le RN qui est le parti le plus important. Rappelle-toi qu’il a obtenu 33 % des voix au premier tour et 37 % au second, contre 28 et 26 % pour le NFP. Il aurait dû avoir en conséquence la majorité en sièges et c’est d’ailleurs ce que prédisaient les sondages à l’origine. Mais c’était sans compter avec le barrage qui s’est fait contre lui, le fameux « Front républicain ». Et c’est donc le NFP qui a obtenu le plus de sièges. Ça, Michel Debré, qui a écrit la Constitution, ne l’avait pas prévu. On a en fait dévoyé le mode de scrutin, avec pour résultat une assemblée divisée en trois blocs. C’est contre nature : un scrutin majoritaire sans majorité, ça ne peut pas fonctionner, parce qu'on n’a pas des adversaires les uns en face des autres, mais des ennemis qu’il faut abattre à tout prix – on le voit avec la situation actuelle. Alors, de deux choses l’une : comme, de mon point de vue, le RN est là pour durer, soit on renonce à faire un front républicain, soit on revoit notre logiciel – comme disent les journalistes – et on passe à la version 2.0, c'est-à-dire au scrutin proportionnel. C’est vrai, j’ai toujours été contre, car il favorise les apparatchiks, mais l’avantage, c’est que les formations politiques savent à l’avance qu’elles seront amenées à négocier, voire à se coaliser, pour accéder au pouvoir, ce qui limite  la violence des propos pendant la campagne. Ce serait un total changement de culture…

Xavier hoche la tête.

—  Je n’avais pas vu les choses comme ça… tu as raison…

—  Mais on n’y est pas encore. Heureusement, les Jeux paralympiques arrivent. Ce sera une nouvelle trêve…

—  Ah ! si la trêve pouvait durer un an ! se dit Xavier. Jusqu’à la prochaine dissolution…



FIN


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Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes

26 août 2024

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