Chroniques vingt-et-unièmes — Des choses qu’on ne s’autorise plus — 6 novembre 2023


  Des choses qu’on ne s’autorise plus 


—  Tu as lu cette info sur l’explosion d’ondes radio qui remonte à huit milliards d’années ? 

Marcus fouille dans sa mémoire :

—  Oui, c’était le mois dernier, je crois. Si je ne me trompe pas, elle n’a duré que quelques fractions de seconde mais elle a dégagé autant d’énergie que le Soleil en trente ans. 

Louis sourit :

—  Origine extraterrestre ?

—  Tu as mal compris. L’origine est tout à fait naturelle. L’explosion vient d’un groupe de galaxies qui ont fusionné à huit milliards d’années-lumière. Mais ce qui est intéressant, c’est qu’en analysant les ondes émises, on pourrait arriver à une évaluation assez précise de la masse totale de l’Univers. Tu sais qu’il en manque 85 % dans ce qu’on voit… 

—  Bien sûr, bien sûr, la matière noire, l’énergie sombre… (Louis repousse le tas de feuilles dactylographiées qui encombrent son bureau en face de celui de Marcus).

—  Je dialogue en ce moment avec un chercheur de l’université de Swinburne en Australie – Ryan Shannon, dont tu as peut-être entendu parler – qui pense que la matière absente se situerait dans l’espace intergalactique, mais qu’elle serait si chaude et si dispersée qu’on ne pourrait pas l’observer avec nos instruments habituels. Cela viendra peut-être un jour…

—  Je blaguais pour l’origine extraterrestre – tu me connais –, mais on s’intéresse de plus en plus au phénomène des ovnis. L’armée américaine déclare qu’ils se multiplient depuis vingt ans. Elle a d’ailleurs diffusé des vidéos. Et il y a eu un séminaire à la Sorbonne les 4 et 5 novembre sur le sujet.

Marcus acquiesce :

—  Ovni ne veut pas dire « origine extraterrestre ». On fait souvent l’amalgame. Mais tu as raison, il ne faut pas rejeter ces phénomènes, ça peut aider à faire des découvertes…

Marcus sait qu’en explorant des pistes inhabituelles, on peut découvrir des paysages inédits. Et il y aurait même de la compétition dans le domaine. Chacun avance son hypothèse sur ces objets étranges : phénomènes météorologiques rares ou expériences secrètes… 

La compétition, il n’est pas contre, c’est ce qui fait progresser la science. Elle est forte en ce moment pour l’IA, les gafas se livrant une bataille sans merci. Mais en cette période où on reparle vaccination contre le covid et la grippe, un autre exemple lui vient à l’esprit : la rivalité entre Pasteur et Koch. 

C’est grâce à la compétition, pour ne pas dire l’animosité, entre le chimiste Louis Pasteur et le médecin Robert Koch qu’on a obtenu de telles avancées en biochimie et en matière de vaccins à la fin du XIXe siècle. Le nationalisme, la guerre froide de cette époque entre la France et l’Allemagne ont au moins servi à cela. 

Ils ont tous les deux contribué à améliorer les connaissances sur la maladie du charbon qui décimait les troupeaux de bovidés. Koch a identifié les bacilles de la tuberculose et du choléra, alors que Pasteur a mis au point la vaccination contre la rage, la première expliquée scientifiquement puisqu’on vaccinait déjà depuis un siècle contre la variole à l’aide de la vaccine de la vache – d’où le nom – grâce au médecin anglais Edward Jenner. Et c’est un collaborateur de Pasteur, Alexandre Yersin, qui a isolé le virus de la peste lors d’une épidémie en Chine. 

Mais Pasteur avait pris beaucoup de risques, contre l’avis de son autre collaborateur, le docteur Émile Roux, pour injecter le vaccin au petit Joseph Meister qui venait d’être mordu par un chien enragé. Car il n’avait réalisé jusque-là que des expérimentations sur des animaux. Il lui a donné douze doses, puis une treizième qui était en réalité le virus lui-même, pour être sûr que son vaccin allait réagir, pour être sûr qu’il était bien efficace ! Un protocole qu’on ne s’autoriserait plus aujourd’hui…

Il y a beaucoup de choses qu’on ne s’autorise plus aujourd’hui, soupire Marcus. 

Un bien ou un mal ? Les historiens sauront juger.



FIN


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Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes

6 novembre 2023

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