Chroniques vingt-et-unièmes —D’où qu’il vienne — 18 septembre 2023


 D’où qu’il vienne 


—  Et ton protégé ? Que devient-il ?

—  Hamid ?

—  Oui, Hamid.

—  Ça s’améliore pour lui. Après avoir fait la plonge, il est maintenant serveur dans le bistrot qui l’emploie. Le patron encourt évidemment un risque puisqu’il est non déclaré, mais il espère qu’il sera régularisé avec la loi sur l’immigration. Elle concernera les travailleurs sans papiers dans les secteurs en tension…

—  Si les Républicains veulent bien ! s’exclame Xavier. Ils menacent de déposer une motion de censure…

L’immigration, sujet éternel… Sujet dont Xavier et Émeline discutent souvent. Où est la solution ? Pour Xavier, selon que l’on considère le problème par un angle macroéconomique, au nom des grands équilibres, ou microéconomique, c’est-à-dire humain, on parvient à des conclusions radicalement différentes. Bien sûr que l’Europe ne peut pas accueillir « toute la misère du monde », en reprenant la formule consacrée. Mais doit-on rejeter des hommes et des femmes qui ne demandent qu’une seule chose : vivre en fuyant l’horreur de leur pays ? Qui ne demandent qu’à sortir de l’inhumanité ?

Au moins, pourrait-on sortir de la situation actuelle, répète fréquemment Xavier. Ne plus laisser les migrants se lancer dans la traversée fatale vers les rivages européens. Il faudrait une décision ferme au niveau de l’UE. Soit établir un pont aérien pour rapatrier tous les migrants en situation de détresse, et court-circuiter ainsi les passeurs. Soit bloquer à la source les côtes de départ pour leur éviter la mort. Au lieu de cela, un entre-deux : on leur permet de tenter l’aventure en autorisant des ONG à affréter des navires pour les recueillir en cas de naufrage.

Et le résultat, pour ne citer que ce qui est arrivé la semaine dernière, ce sont 11 000 migrants qui ont débarqué à Lampedusa en huit jours. Pour une île qui ne compte que 6 000 habitants ! Giorgia Meloni, qui a fait campagne sur le thème de l’immigration illégale, est rattrapée par le principe de réalité. Celle-ci a doublé depuis son accession au pouvoir, comme d’ailleurs en Grande-Bretagne depuis le Brexit, malgré les promesses de ceux qui voulaient s’extraire de l’UE. Ce qui ne décourage pas ceux qui persiste à vouloir l’éradiquer.

—  L’île de Lampedusa est plus proche de la Tunisie que de la Sicile. Peut-être que l’Italie devrait la céder gracieusement à la Tunisie, risque Xavier.

—  Je ne sais pas si la Tunisie accepterait…

—  Un État, n’importe lequel, ne rechigne jamais quand on lui offre de nouvelles terres. Cela ne ferait pas l’affaire des migrants, mais je pense que la Tunisie accepterait.

—  Oui, enfin, là, c’est de la science-fiction…

Émeline a raison. Xavier oublie de dire, qu’à l’inverse, un pays est généralement réticent à se séparer d’une terre. Il suffit de prendre pour exemple Gibraltar, les enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila au Maroc, ou même les îles Falkland…

Et le problème des migrations a toujours existé dans l’histoire. Il explique la disparition des empires et l’émergence d’autres puissances sur leurs ruines. Si le professeur Marcus, que Xavier et Émeline n’ont jamais rencontré, participait à la discussion, il s’exprimerait en termes de physique ou de chimie. En matière de physique, tout le monde connaît le principe des vases communicants : richesse et pauvreté tendent à s’équilibrer. Et pour la chimie, on peut raisonner en faisant appel au phénomène d’osmose, c’est-à-dire le transfert d’une substance du milieu le moins concentré vers le plus concentré, autrement dit le transfert de population du milieu le moins concentré en richesses vers celui qui l’est le plus.

La différence, c’est que ces transferts lors des temps anciens étaient brutaux, qu’ils occasionnaient un déluge de violences et qu’ils se traduisaient par la défaite d’un camp. Ce n’est plus le cas, heureusement, aujourd’hui. Il s’agit de migrations continues, régulières et la volonté des réfugiés n’est pas d’abattre le système qu’ils ont intégré. Qu’ils soient classés « politiques » ou « économiques », ils ne recherchent que de la compassion de la part de populations qui ressentent la crainte d’être attaquées dans leurs habitudes de vie. Le problème posé n’en est que plus difficile.

—  Je ne vois pas de solution, poursuit Xavier. Et en cherchant bien, personne n’en a trouvé jusque-là. Et ce ne sont pas les putschs en rafale en Afrique qui vont améliorer la situation. Ursula von der Leyen a beau s’être déplacée à Lampedusa, je ne pense pas qu’il en sorte quelque chose.

—  Peut-être qu’on trouvera des solutions à la Fête de l’Huma. Il y a plein de débats… 

—  Encore faudrait-il accepter ceux qui viennent d’ailleurs. Édouard Philippe a été invité à affronter Fabien Roussel en débat et il a été sifflé la plupart du temps par la salle.

—  Oui, accepter l’autre, d’où qu’il vienne. C’est le même sujet…


FIN


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Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes

18 septembre 2023

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