Chroniques vingt-et-unièmes — L’inverse serait un oxymore — 17 juillet 2023


 L’inverse serait un oxymore 


Le professeur Marcus repose l’article.

L’hydrogène blanc, faut-il y croire ? Et d’abord qu’est-ce que c’est ? 

L’aventure a commencé au Mali dans les années 2010, non loin de Bamako. Des villageois creusent un trou pour puiser de l’eau dans la nappe phréatique. Ils creusent profondément, pas moins de cent mètres, et là, surprise ! Car, harassé, l’un des ouvriers a ressenti le besoin d’une cigarette. Il l’allume et c’est la déflagration. On s’interroge. Quelle est la cause de l’explosion ? Après analyse, on constate que de l’hydrogène pur s’échappe du forage. Des tonnes et des tonnes d’hydrogène qui ne demandent qu’à être récupérées. Et c’est ce qu’on va faire. Un complexe est construit pour exploiter la précieuse marchandise. Il va être suivi de beaucoup d’autres dans différentes régions du monde, comme au Nebraska. Et ailleurs, on prospecte. En Islande, en Australie, au Brésil, et même en France. 

Mais pourquoi un tel engouement ? Parce que l’hydrogène, lorsqu’il rencontre de l’oxygène, produit une très grande quantité d’énergie, une réaction chimique qui ne laisse que de la vapeur d’eau comme rejet. Aucune trace de gaz à effet de serre ! L’hydrogène et l’oxygène liquides, ce qu’on appelle des ergols, constituent d’ailleurs le combustible courant des fusées pour les arracher de l’atmosphère. Alors, le Graal ? Pourtant, l’hydrogène n’est-il pas l’élément le plus commun dans l’Univers ? Que l’on trouve partout ?

Certes, mais l’atome d’hydrogène, qui est le premier et le plus simple dans le tableau périodique de Mendeleïev, n’existe pratiquement jamais, du moins sur la Terre, à l’état unitaire ; il est toujours combiné avec d’autres éléments, tel l’oxygène comme on l’a vu, pour former des molécules d’eau.

Par conséquent, pour le dissocier de ces éléments et le créer sous forme gazeuse, puis liquide, il faut user d’énormes quantités d’énergie, et c’est bien pour cela que l’hydrogène n’est pas considéré comme une source d’énergie en tant que telle, mais comme un support, en ne faisant que restituer celle qu’on lui a fournie, une pile en quelque sorte. D’où l’expression de « pile à hydrogène ».

L’intérêt d’un gisement d’hydrogène gazeux est donc de constituer une pile, une gigantesque pile naturelle, prête à l’emploi sans avoir besoin d’être rechargée, qui peut être utilisée telle quelle. 

De ce fait, la découverte du Mali suscite le rêve.

Et les réserves terrestres pourraient être colossales, au moins aussi importantes que celles de gaz, ce qui aiguise évidemment l’appétit de toutes les compagnies d’énergie, généralement pétrolières, qui obtiennent des permis de prospection à tour de bras.

J’aimerais vivre assez vieux pour voir l’hydrogène blanc remplacer les énergies carbonées.

Marcus réfléchit. 

C’est une révolution qui pourrait faire du tort à des pays comme l’Arabie saoudite dont l’économie doit tout à ses gisements fossiles.

Et c’est peut-être pour cette raison que le très controversé prince héritier MBS (Mohammed ben Salmane), sentant la fin d’une époque et à qui on ne peut reprocher un manque de vision, lance des initiatives de plus en plus folles.

Où va-t-il s’arrêter ?

Comme par exemple la ville futuriste, ou projet urbanistique, appelée The Line. Une ville tout en longueur, une ligne de 170 kilomètres sur la carte, partant de l’entrée du golfe d’Aqaba et filant en plein désert, en fait deux gratte-ciel parallèles d’un seul tenant et de même longueur, le tout de 200 mètres de largeur et 500 mètres de hauteur, invisible de l’extérieur grâce à des miroirs reflétant le sable alentour, exempt d’émission de carbone par l’utilisation d’énergie renouvelable, empli d’une végétation variée, sans voitures, où l’on pourra se déplacer d’un bout à l’autre en 20 minutes dans un train à grande vitesse, un ensemble destiné à abriter 9 millions d’habitants en 2045,  où toutes les commodités de la vie moderne seront à disposition immédiate, où l’intendance sera gérée par l’IA…

Ce complexe s’intègre dans un projet de grande envergure dans la région, appelé Neom, à 500 milliards de dollars pour commencer, comprenant, outre The Line, un immense espace touristique (Trojena), un centre de recherche et d’industries (Oxagon), et une île artificielle de luxe (Sindalah).

Est-ce un projet réaliste ? Est-ce un coup de com ?

En tout état de cause, des images satellites prouvent que les travaux sont bel et bien lancés.

Et puis, il faut compter avec les Jeux asiatiques d’hiver de 2028 qui vont se tenir dans le pays sous le soleil brûlant, avec, forcément, de la neige synthétique, ce qui fait bouillir, en accentuant la chaleur ambiante, les écologistes de tout poil.

Sans oublier que l’Arabie saoudite a également posé sa candidature pour l’exposition universelle de 2030.

Si ces annonces ne sont que bluff, elles montrent toutefois une modification des schémas de pensée, une volonté d’arrimer le berceau de l’islam à la marche du monde, et peut-être même d’en être le modèle.

L’Arabie, un phare éclairant le monde ? On revient aux origines de la conquête de Mahomet.

Et en cherchant bien, on trouvera éventuellement sous le sable un peu d’hydrogène blanc. De quoi assurer encore quelques décennies d’hybris.

L’homme n’est pas raisonnable, s’énerve Marcus.

L’inverse serait un oxymore.


FIN


https://gauthier-dambreville.blogspot.com

https://app.partager.io/publication/gd

Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes

17 juillet 2023

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Chroniques vingt-et-unièmes — Ce qui permet de vivre et d’espérer — 29 janvier 2024

Chroniques vingt-et-unièmes — Aboutir à des impasses — 5 février 2024

Chroniques vingt-et-unièmes — L’année 2024 n’est pas finie — 1er janvier 2024