Chroniques vingt-et-unièmes — Le résultat de la bipédie ? — 26 juin 2023

 

Le résultat de la bipédie ?


Sa mort ne date que d’un an. On ne peut pas dire, à part quelques entrefilets dans la presse du 22 juin 2022, que sa disparition ait laissé une grande trace dans l’actualité. Certainement moins en tout cas que ces auteurs de « vidéos virales » qui déclenchent des millions de vues sur les réseaux sociaux. Il en est ainsi de la digitalisation du monde où la primauté de l’instant étouffe toute autre considération.  

En ce qui concerne Yves Coppens, trop d’événements, comme d’habitude, occultaient l’information. Mais dans son paradis anthropologique, il a peut-être rejoint Lucy dans un univers qui n’appartient qu’à eux.

Et dans un avenir proche, il apparaîtra sûrement aussi étrange que les spécimens qu’il a exhumés, porteur d’une force intranquille qui le poussait à savoir.

Cela fait donc un an. En arpentant la Grande Galerie de l’Évolution du Jardin des Plantes, Benoît y pense.

Il marche d’un pas si naturel que nul ne peut se douter qu’il a fallu des millions d’années pour y parvenir. Car c’est l’une des choses si particulière qui intéressait Yves Coppens, le fascinait même : le passage de nos ancêtres à la bipédie, cette caractéristique essentielle séparant les Hominines – dont nous sommes, genre Homo, l’un des rameaux – des Panines dont font partie les chimpanzés et les bonobos.

Yves Coppens a été habité par la quête éternelle des origines. Il a cherché aussi à s’attaquer au mystère de la conscience propre à notre espèce, résultat d’une suite de sauts évolutifs, de hasards, d’étincelles qui ont ouvert et balisé le chemin ayant conduit à l’homme moderne.

Depuis son enfance, une passion anime Coppens, l’archéologie. Sans doute qu’étant né à Vannes, les mégalithes de Carnac y sont pour quelque chose. Mais ces vestiges du Néolithique ne représentent pour lui qu’un plongeon négligeable dans le passé. Qu’existait-il avant l’apparition d’Homo sapiens il y a 300 000 ans ? C’est cette question qui va le décider à poursuivre des études en sciences naturelles jusqu’au doctorat et à prendre part à des recherches en Afrique visant à identifier le berceau de l’humanité.

Il est membre de l’équipe qui, en 1974 dans la basse vallée de l’Awash en Éthiopie, met au jour une grosse partie d’un squelette d’Australopithecus Afarensis auquel on donnera le nom poétique de Lucy en référence à la chanson des Beatles Lucy in the Sky with Diamonds.

Une découverte qui fera le tour du monde, qui va participer à sa notoriété en raison des enseignements qu’il en tire et qui l’incitera à élaborer une théorie sur le cheminement de l’homme. C’est la théorie de l’East Side Story, dont l’appellation, presque familière, est inspirée de la célèbre comédie musicale.

Que nous dit-elle cette théorie ? Qu’à la suite d’une divergence climatique due à la formation du rift de l’Est africain, deux populations de primates se seraient trouvées isolées et auraient évolué de manière indépendante, donnant, l’une, les ancêtres des grands singes dans la forêt tropicale, et l’autre, les précurseurs de l’homme moderne qui auraient accédé à la bipédie en raison des conditions particulières de la savane.

Une théorie ultérieurement remise en cause par des découvertes plus récentes – notamment celle du crâne de Toumaï au Tchad par l’équipe de Michel Brunet, un fossile daté de 7 millions d’années précédant cette séparation –, qui a probablement occasionné du tort à son auteur. Mais c’est ainsi que la science avance, s’efforçant de fournir, en fonction des données disponibles du moment, l’explication la plus plausible à des phénomènes observés.

Et cela ne saurait occulter le fait qu’Yves Coppens a essayé toute sa vie de saisir quelques bouts du fil d’Ariane dans le labyrinthe de l’évolution. De retrouver cette suite de maillons manquants qui permettrait de comprendre comment un vulgaire primate s’est transformé en Homo sapiens.

Coppens fait partie de ceux qui ont cherché sans relâche à regarder au-delà d’un horizon qui recule sans cesse, animé de la même curiosité que ces peuples d’autrefois dans leur progression vers l’est, déterminés à atteindre l’endroit exact où se lève le soleil.

Et il est là le soleil. Il inonde Benoît quand il sort de la Grande Galerie.

La parenthèse est terminée.

La ronde des événements revient.

Le Pacte financier mondial pour aider à la transition énergétique.

La mort, par l’implosion du Titan, de ceux qui avaient trop voulu revivre le naufrage du Titanic.

Et le coup d’État, de semonce ou de bluff de Prigogine.

Est-ce le résultat de la bipédie ?


FIN


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Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes

26 juin 2023

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