Chroniques vingt-et-unièmes — Un rêve étrange — 19 juin 2023


 Un rêve étrange


—  J’ai fait un rêve étrange…

Xavier s’est étiré en prononçant ces paroles. Émeline qui prépare le café relève la tête.

—  I have a dream ?

—  Pas vraiment… Ça se passait ici, en France, et je réfléchissais.

—  Tu réfléchis déjà toute la journée, et la nuit, tu réfléchis encore !

—  Oui, oui, c’est comme ça… Donc, dans mon rêve, je réfléchissais à l’économie française, à ce qui la fait tourner. Elle est intéressante cette question, non ?

—  Si tu veux… (Émeline hausse les épaules.)

—  C’était une situation bizarre. Je constatais que 90 % de la production industrielle était assurée par des machines, et que toutes les tâches manuelles qui ne pouvaient pas être automatisées, dans les usines ou ailleurs, étaient remplies par des migrants. Et du côté des tâches intellectuelles, c'était pire, les intelligences artificielles se chargeaient de tout. Alors, j’avais une interrogation…

—  Oui, quelle interrogation ?

—  Cette interrogation, c’était : « Mais où sont passés les Français ? » Que font-ils pendant ce temps-là ?

Émeline, qui commençait à s’intéresser au propos de Xavier, reprend sa préparation du café.

—  Drôle de rêve… Tu n’as pas mieux ?

—  Et tu sais où ils étaient finalement, les Français ?

—  Non… (Où veut-il en venir ? pense-t-elle.)

—  Dans la rue ! Ils manifestaient contre la perte de leurs acquis sociaux.

—  Hum… je me demande si tu n’es pas en train d’inventer une histoire. C’est réellement ce que tu as rêvé ?

—  Oui, enfin, c’était presque ça…

—  Je vois… En tout cas, j’espère qu’on n’en arrivera pas là !

—  Moi aussi, le pire n’est jamais sûr…

Émeline s’assoit en face de Xavier.

—  De mon côté, pendant que tu dormais, j’ai lu ce matin une étude intéressante sur le retour aux 90 kilomètres/heure sur route.

—  À peu près la moitié des départements l’ont fait.

—  Exact, je résume l’étude. Normalement, passer de 80 à 90 kilomètres/heure fait gagner un peu plus de cinq secondes par kilomètre sur une distance de 100 kilomètres. Seulement, une route nationale ou une route départementale qui fait 100 kilomètres sans interruption, ça n’existe jamais. Il y a les croisements, les ronds-points, les traversées de villages, les tournants à vitesse réduite, les embarras de circulation, etc., ce qui fait qu’au bout du compte, on gagne une seconde par kilomètre en moyenne.

—  Ça laisse donc un peu de temps supplémentaire pour lire ses sms…

—  Ce serait pathétique, mais ça montre que sur cette affaire, c’est beaucoup de bruit pour rien.

—  Sûrement. C’est une habitude chez nous…

—  Et les départements qui sont revenus en arrière l’on fait surtout pour des raisons politiques. On pense que c’est surtout cette mesure qui a déclenché le mouvement des gilets jaunes. Il y avait comme un ras-le-bol, ça s’ajoutait au reste…

Xavier s’exclame :

—  Ah oui, le ras-le-bol général… C’est peut-être pour cela que tant de migrants viennent s’installer en France, ce qui rejoint mon rêve. C’est le sujet en ce moment, l’immigration ! Le gouvernement prépare un projet de loi en cherchant le soutien de LR. Et on reparle d’intégration ! On exige des étrangers qu’ils s’intègrent, mais si s’intégrer ça signifie être mécontent comme les Français, je me demande si on ne doit pas accepter qu’ils vivent comme ils veulent en France. Que les Français soient mécontents, d’accord, mais surtout qu’ils ne contaminent pas les autres !

—  Mais ce week-end, il y avait aussi des Suisses et des Italiens mécontents…

—  Tu penses à la ligne ferroviaire Lyon-Turin ?

—  Bien sûr.

—  Une contestation très discutable… Les opposants sont venus dénoncer «  l’industrie qui tue » et un chantier « écocidaire ». C’est bien beau de dénoncer l’industrie qui tue, mais sans industrie, qui va financer notre fameux modèle social et notre niveau de vie de Français qui attire tant les migrants ? Emprunter, encore ? Mais j’ai l’impression qu’on arrive au taquet…

—  Pas de catastrophisme, on en est loin… Toujours tes éternelles angoisses.

Xavier réfléchit :

—  Finalement, je me demande si je ne vais pas retourner dans mon rêve…


FIN


https://gauthier-dambreville.blogspot.com

https://app.partager.io/publication/gd

Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes

19 juin 2023

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Chroniques vingt-et-unièmes — Ce qui permet de vivre et d’espérer — 29 janvier 2024

Chroniques vingt-et-unièmes — Aboutir à des impasses — 5 février 2024

Chroniques vingt-et-unièmes — L’année 2024 n’est pas finie — 1er janvier 2024