Chroniques vingt-et-unièmes — La douceur d’une promesse — 3 octobre 2022


 La douceur d’une promesse


L’avenir a la douceur d’une promesse.

Alors que ciel s’alourdit de nuages.

Le professeur Marcus a terminé son cours de physique des atomes à Jussieu et regagne rapidement son bureau, songeur. Bien sûr, on ne s’affranchira jamais de l’inconséquence humaine, mais il y a ces morceaux d’espoir. 

C’était il y a un an, une start-up, Commonwealth Fusion System, associée au MIT de Boston, annonçait une avancée majeure en matière de fusion nucléaire. Depuis, c’est l’effervescence. Après avoir réussi, suite à ses exploits, à lever 1,8 milliard de dollars à Wall Street (la moitié des capitaux collectés au total sur les marchés pour cette technologie), elle fait la course avec le consortium international ITER afin de produire en 2025 le premier plasma, ce quatrième état de la matière. Se mêle aussi à cette compétition une autre entreprise allemande, Marvel Fusion, qui publie des résultats convaincants. 

Et le gouvernement américain y croit également. Il accorde 280 millions de dollars pour soutenir les développements dans cette filière. Une misère cependant, comparée à ce que se prépare à investir Bill Gates, Jeff Bezos et George Soros.

L’enjeu, en résolvant la crise de l’énergie, c’est d’apporter incidemment une solution au problème le plus crucial du monde, le dérèglement climatique, et ce d’ici 2030, c’est-à-dire demain, avec une exploitation opérationnelle. Apporter une solution au problème du dérèglement climatique d’ici 2030, a-t-on bien lu ? Il ne s’agit ni plus ni moins que de proposer un substitut aux énergies fossiles, sources d’émanation de gaz à effet de serre et donc facteurs de réchauffement. Imaginons alors en 2030 une centrale à fusion, fonctionnant selon le principe du Soleil où par milliards de milliards deux atomes d’hydrogène s’unissent pour former un atome d’hélium (à l’inverse de la fission où un élément « lourd » est scindé en deux autres plus légers), une centrale pas plus étendue qu’un terrain de tennis, fournissant une énergie illimitée à partir de l’élément le plus commun et le plus répandu dans l’Univers, sans déchets radioactifs de longue durée et sans risque d’explosion par réaction en chaîne comme on le redoute dans les centrales présentes. Des petites unités de production que l’on pourrait multiplier sur toute la surface du globe. 

Ce serait une révolution technologique pour la terre, plus importante que le bouleversement industriel, à bien des égards néfaste, du XIXe siècle, et une autre révolution dans le nucléaire, avec l’abandon du procédé de fusion qui suscite tant d’oppositions.

En France, ce serait un problème épineux en moins. Le parc actuel s’est construit entre les années 50 et 90, mais principalement sur la période très restreinte 70-80. Et ensuite, sous l’effet de pressions diverses, d’un changement d’époque, plus rien. Pas de renouvellement. On se contente de prolonger un ensemble vieillissant qui pose de plus en plus de difficultés de maintenance. Une génération d’ingénieurs et de techniciens a été sacrifiée, les compétences n’ont pas été transmises, se sont perdues. On peut trouver là une explication aux ennuis rencontrés avec les nouvelles centrales EPR aux coûts faramineux et dont la mise en service est sans cesse repoussée.

Grâce aux centrales à fusion, on ferait table rase de ce passé.

Imaginons quelques instants les retombées. Ce serait donc l’arrêt des réacteurs nucléaires classiques si controversés, la fin des émissions de CO2 grâce à l’éradication de tous les moteurs thermiques et des centrales à composés fossiles, la suppression des éoliennes rejetées par une majorité de la population, et l’espoir de freiner, voire de stopper, l’augmentation des températures. Mais aussi la perspective de résoudre le problème de l’eau. Car avec une énergie constamment renouvelée, il serait possible de construire des usines de dessalement sur toutes les côtes et d’acheminer l’eau pure ainsi produite très loin dans les terres, comme on le pratique aujourd’hui en Israël avec les moyens conventionnels. 

Et puis, on ne s’inquiéterait plus des fuites dans les gazoducs ; on brûlerait les chèques énergie ; les lycéens et collégiens ne manifesteraient plus le vendredi après-midi ; les jeunes en général ne souffriraient plus d’éco-anxiété ; Greta Thunberg pourrait enfin aspirer à une retraite heureuse, elle consacrerait sa vie à sillonner les océans comme elle l’a fait dans l’Atlantique ; l’électrification de l’Afrique, imaginée par Jean-Louis Borloo, pourrait prendre forme ; Sandrine Rousseau resterait sans voix, à moins que son « écoféminisme » ne se transforme en « superféminisme », lui laissant tout le temps de poursuivre les analyses développées dans l’essai collectif Par-delà l’androcène auquel elle vient de participer, qui vise à démontrer que la virilité – bras armé du patriarcat – est responsable de la catastrophe écologique, des violences de toutes natures, du racisme, et même des barbecues.

Pourtant certains n’y croient pas, comme Greenpeace, toujours résolument hostile au nucléaire quel qu’il soit, qui ne voit dans ces projets que des machines à dépenser l’argent public. Esprit de contradiction ?

Marcus sursaute sur son fauteuil. Un bruit l’a dérangé et il se demande s’il n’a pas rêvé.

Mais il a envie de chasser les nuages.

Oui, l’avenir a la douceur d’une promesse.


FIN


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Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes

3 octobre 2022

Commentaires

  1. Bravo pour vos chroniques que je découvre. Vivant, intelligent, bien informé. Je suis fan ! Jean François Dortier, l'humanologue

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    1. C'est très encourageant et, venant de JF. Dortier (fondateur de Sciences Humaines et de l'Humanologue) un superbe compliment.

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