Chroniques vingt-et-unièmes — Garder l'espoir — 13 juin 2022


 Garder l'espoir


Les résultats du premier tour sont tombés. La campagne, selon une expression couramment entendue sur les ondes, « n’a pas mobilisé ». Jean-Bernard l’a suivie comme environ 38 % des Français, les autres se déclarant « peu » ou « pas du tout » intéressés. 

52,3 % d’abstention ! 70 % même pour les 18-35 ans. En Chine, en Russie, en Afghanistan, en Iran, à Cuba, en Corée du Nord, en Birmanie et dans une large partie de l’Afrique, on doit observer ce résultat avec étonnement. Mais il est peu probable que les nouvelles filtrent jusque-là, du moins en dehors du cercle des dirigeants qui doivent y voir là une preuve de plus de la supériorité de leur régime face à la « décadence occidentale ».

Il est possible que les grands sujets de fond traités durant cette campagne, ces sujets essentiels et fondamentaux que sont les accusations visant le ministre Damien Abad, le port du burkini en piscine, les « incidents »  du  Stade  de  France assortis  de  l’effacement  des  vidéos  ou  les  « refus d’obtempérer » en aient découragé certains.

Et ni le « Duck power » proposé par le parti animaliste, ni le programme explosif de Jean-Luc Mélenchon n’ont réussi à convaincre une majorité significative. Un programme estimé au minimum à 250 milliards, qui porterait ainsi la part des dépenses publiques et sociales de 60 % actuellement à 70 % du PIB (elles étaient de 35 % au début des années 60) et augmenterait le budget de la nation de 50 % puisque celui-ci est d’environ 500 milliards. Alors, désintérêt ? Scepticisme ? L’Insoumis avait pourtant sorti de sa botte le fameux coefficient multiplicateur – connu seulement d’un cercle d’initiés – qui ferait que 100 euros de dépenses publiques génèrent 120 euros de rentrées fiscales, permettant de cette manière à l’État de s’enrichir en étant plus prodigue. Une recette magique qui n’a cependant pas réussi à libérer la population d’une certaine léthargie, occupée à regarder ailleurs comme si la politique ne faisait plus partie de son horizon, comme si tout ce qui était acquis l’était pour toujours.

Heureusement, la France est très forte. Encore une fois, elle manifeste sa formidable résilience (Boris Cyrulnik qui a popularisé en psychanalyse ce terme apparu au XXe siècle ne devait pas s’attendre à un tel succès) en se permettant de battre, sur fond de guerre en Ukraine, d’intempéries climatiques et d’épidémie prête à rebondir, le record de la chenille avec 1 338 personnes défilant en se tenant par les hanches à Morlaix.

Les Français regardent ailleurs, assurément, mais surtout vers leur porte-monnaie. Et qui pourrait leur en vouloir ? L’argent est au corps social ce que le sang est à l’organisme. Il irrigue tout, mais on aimerait s’en passer.

Jean-Bernard voit toutefois un danger à cette obsession. La question du pouvoir d’achat pousse à toujours acheter moins cher, donc à se procurer des produits fabriqués dans des pays à moindre coût, donc les industriels à intensifier les délocalisations pour affronter la concurrence, donc à accroître le chômage en France, donc à favoriser la pauvreté, donc à acheter moins cher… En dernier ressort, face aux menaces permanentes de révoltes populaires,  l’État  cherche  à  colmater  les  brèches  avec  « l’argent hélicoptère ». On distribue, on distribue… Or les dépenses publiques et sociales, comme on vient de le constater, représentent déjà 60 % du PIB. Jusqu’où peut-on aller ? Existe-t-il une limite ?

Deuxième écueil, la progression des inégalités. Distribuer revient à augmenter une demande, essentiellement chez les pauvres. En face, une offre va s’ajuster, pilotée par des riches. Les pauvres vont dépenser davantage et les riches vont gagner plus d’argent, ce qui va accentuer le fossé. L’exemple frappant est celui du propriétaire d’un supermarché dont la fréquentation et la marge vont bondir. Quelles solutions à cela ? Aucune dans le contexte actuel. Le gouvernement, depuis des décennies, en est réduit à un rôle de pompier pour éteindre les incendies qui se déclarent de tous côtés. Il n’a pas la capacité de voir au-delà de la fumée dégagée par les brasiers qui l’entourent. Et l’hélicoptère vole de plus en plus bas, sans doute pour échapper aux radars, dans une visibilité nulle…

Peut-être que la vie politique est construite sur un rêve, le rêve de trouver la personnalité rare et mythifiée, celle qui va tout changer tout en ne bougeant rien. Autant dire que cette personnalité n’est pas encore née.

Mais la France est forte, elle est résiliente, elle vient à nouveau de le prouver, il faut garder l’espoir…


FIN


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Gauthier Dambreville - Chroniques vingt-et-unièmes

13 juin 2022

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